Gestion
Depuis 1985, la SNPN est chargée de la gestion de la réserve naturelle de Grand-Lieu. Elle y assure le gardiennage, la protection et l’entretien du milieu naturel tels que défini par le décret de création. Elle a également la responsabilité de l’élaboration et de la mise en œuvre du programme d’études et de travaux scientifiques intéressant la faune, la flore et le milieu naturel de la réserve. Elle assure aussi l’entretien des équipements et aménagements de la réserve.
La Réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu et la SNPN en tant que gestionnaire sont accompagnées par deux instances : le Comité consultatif qui regroupe les acteurs locaux (élus, acteurs sociaux-économiques, associations, administrations…) sous la présidence du Préfet ou de son représentant, et le Conseil scientifique. La composition de ce dernier est définie par arrêté préfectoral pour une durée de cinq ans. Désormais présidé par Gilles Pinay, biogéochimiste au CNRS/Université de Rennes 1 et directeur de l’Observatoire des sciences de l’univers de Rennes, il a été étoffé d’experts de nombreuses disciplines : limnologie, hydrologie, géologie, sédimentologie, écologie, ornithologie, ichtyologie, botanique.
Participent également à ce Conseil scientifique la SNPN, ainsi que la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) des pays de la Loire et la DDTM.
Pour en savoir plus : Plan de gestion 2009-2016
La richesse de l’avifaune du lac de Grand-Lieu a été l’un des arguments les plus décisifs dans le processus de classement de la réserve naturelle. Avec plus de 300 espèces, principalement aquatiques et paludicoles, le site figure parmi les plus prestigieux du pays et joue un rôle déterminant pour la protection de nombreuses espèces à l’échelle européenne. Le suivi et l’inventaire des populations d’oiseaux selon des protocoles précis est l’une des principales fonctions de la SNPN en tant que gestionnaire, qui se traduit par la publication annuelle des rapports ornithologiques.
Ces suivis visent donc à bien connaître l’évolution des peuplements et de détecter des changements à moyen/long terme. Il s’agit de :
- Suivi de la distribution et des effectifs de grands échassiers nicheurs (hérons, aigrettes, spatules, ibis)
- Suivi de l’exploitation des prairies par les oiseaux d’eau : évaluation de l’importance de cet espace au sein du lac au moment de la migration prénuptiale et pour le gagnage et la reproduction
- Recensement des oiseaux d’eau en migration et hivernage : évaluation de l’importance du site dans un contexte international (notamment contribution aux comptages réalisés dans le cadre de wetlands international)
- Recensement des oiseaux d’eau nicheurs : évaluation de l’évolution et de l’importance du site dans un contexte plus large (rôle majeur du lac pour la reproduction de la Guifette moustac, du Fuligule milouin, de l’Oie cendré… par exemple)
- Recensement relatif par échantillonnage ponctuel des oiseaux communs : mené sur la réserve et en dehors sur la zone humide de Grand-lieu et son pourtour, il permet de détecter des tendances de moyen-long terme pour des espèces qualifiées parfois de communes et qui sont difficiles à recenser de façon exhaustive
- Baguage des passereaux paludicoles en migration post-nuptiale : Grand-Lieu constitue un site de baguage parmi un réseau de sites sur la façade Manche Atlantique en France. Cette opération permet de participer à la connaissance du statut et de la biologie de certaines espèces. C’est également le seul moyen pour appréhender l’importance du site pour certains migrateurs (Phragmite des joncs, Phragmite aquatique…)
Voir les suivis ornithologiques dans la rubrique Ressources documentaires.
Le gestionnaire de la réserve mène également un suivi précis des milieux – de la végétation de la zone centrale du lac en particulier, et de leur évolution.
Tous les trois ans, une campagne de photos aériennes est réalisée afin d’apprécier la progression ou le retrait des herbiers flottants et de la « roselière boisée » par rapport à la zone centrale. Ces éléments sont importants pour la bonne compréhension de la trajectoire d’évolution du lac.
Ce suivi cartographique est complété par des échantillonnages de terrain menés sur l’ensemble des milieux composant la réserve et par un suivi plus précis sur certaines espèces patrimoniales (Trapa natans, Nymphoides peltat, Schoenoplectus pungens…).
Les espèces exotiques envahissantes représentent un facteur majeur d’évolution pour certains milieux et espèces du lac de Grand-Lieu. Il est important pour le gestionnaire de pouvoir suivre ces espèces, de limiter leurs effets et d’exercer une veille afin de réagir à l’apparition de nouvelles espèces qui pourraient mettre en danger le patrimoine naturel du site.
Apparue dans les années 1990, la jussie à Grand-Lieu est représentée par deux espèces Ludwigia peploides et L. grandiflora. La forme aquatique colonise la majeure partie du réseau hydrographique et les bords des roselières. Pour tenter de limiter son importance, la SNPN procède tous les ans à des opérations d’arrachage grâce aux renforts d’emplois saisonniers. Plus récemment, la forme terrestre s’est développée dans les prairies inondables et au sein des roselières et habitats associés. Aucune solution n’est, pour le moment, réellement efficace pour la faire régresser.
L’ibis sacré (Threskiornis aethiopicus) échappé du parc zoologique de Branféré, est nicheur au lac . Des cas de prédation ont été notés sur les œufs ou poussins des espèces d’oiseaux nichant au sol, souvent à forte valeur patrimoniale (guifette noire, echasse blanche, sarcelle d’été, vanneau huppé). La régulation des populations de l’ibis sacré s’effectue principalement grâce à la stérilisation des pontes dans les colonies de reproduction. (voir le Suivi ornithologique)
L’érismature rousse (Oxyura jamaicensis), espèce nord-américaine introduite en Europe, porte atteinte aux populations très menacées d’érismature à tête blanche (O. leucocephala) du sud de l’Europe. Une réglementation internationale visant son éradication s’est traduite en France par l’arrêté ministériel du 12 novembre 1996 et plus récemment par l’adoption d’un plan national de lutte (2016).
Le lac de Grand-Lieu continue à héberger l’essentiel de la population française en hiver, alors qu’en période de nidification, l’espèce est plus dispersée dans l’ouest de la France. Les opérations de régulation se révélant inefficaces et dérangeantes en hiver, la SNPN mène des opérations de tir avec silencieux en période de nidification pour réduire la population nicheuse du lac. Ailleurs, c’est l’ONCFS qui intervient (voir le Suivi ornithologique).
Le ragondin (Myocastor coypus) est probablement l’espèce qui a provoqué sur l’écosystème du lac de Grand-Lieu les plus forts déséquilibres. Sa présence a notamment fait disparaître en totalité ou partie certains grands hélophytes de la zone lacustre, comme le petit typha ou le scirpe lacustre ou des espèces comme le trèfle d’eau Menyanthes trifoliata. Le ragondin détruit également les berges des canaux et est porteur du germe de la leptospirose. La SNPN contribue à sa limitation par des opérations de piégeage.
Originaire d’Amérique du Nord, l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) est apparue à Grand-Lieu à la fin des années 1990 en déclenchant de profonds bouleversements écologiques, tels que : la disparition de macrophytes immergés et flottants, la régression des communautés d’invertébrés ou d’amphibiens liées à ces végétations, l’effritement des berges des canaux et leur effondrement progressif dus à la présence des terriers. Son abondance est en revanche à l’origine de la progression spectaculaire des effectifs de spatules blanches, espèce emblématique de Grand-Lieu. De nombreuses autres espèces de grands échassiers, les sangliers et la loutre profitent aussi de cette manne. Pour tenter de contrer l’expansion de cette espèce, un contrat Natura 2000 a été mis en place en profit des pêcheurs du lac. Ces derniers la valorisent économiquement également avec des conditions très strictes pour ne pas la disséminer. La SNPN et ses partenaires assurent le suivi de l’espèce et l’évaluation du contrat Natura 2000. (pour en savoir plus Le Courrier de la Nature n° 295, mars-avril 2016, pp.28-33, Plan de gestion p.123)
D’autres espèces comme la myriophylle du Brésil et le rat musqué, sont également sous surveillance du gestionnaire.
La qualité de l’eau est un élément fondamental dans l’évolution du lac de Grand-lieu et de ses communautés. Le lac reste hypereutrophe du fait des apports en éléments minéraux (phosphore, azote) depuis le bassin versant. Ce phénomène de sur-enrichissement du lac provoque la prolifération de micro-algues. La turbidité qui en résulte limite le développement des herbiers aquatiques, particulièrement importants dans les lacs de faible profondeur. La SNPN assure un suivi régulier de l’évolution de différents paramètres physico-chimiques (turbidité, pH, chlorophylle…) à l’aide d’une sonde déployée en permanence. Elle complète cette approche par la mesure de quelques paramètres sur une quarantaine de points répartis sur tout le lac. La SNPN cherche également a améliorer sa compréhension du fonctionnement du lac en travaillant en collaboration avec les chercheurs des universités de Rennes et Nantes.
Le suivi de la qualité des eaux est complété par des niveaux d’eau et de la bathymétrie (profondeur de l’eau).
Deux agents de la réserve sont commissionnés et assermentés pour relever les infractions relatives à la réglementation de la réserve naturelle ainsi qu’à la législation « faune-flore» (loi de 1976 relative à la protection de la nature). Des tournées de surveillance, spécifiques ou couplées à des opérations de suivi, sont organisées régulièrement, 2 à 10 fois par semaine en fonction des périodes. (voir le Rapport d’activités).
- Inventaire des invertébrés
La SNPN essaie de faire progresser la connaissance sur l’entomofaune et autres invertébrés – groupes complexes mais si important aussi bien fonctionnellement que numériquement – avec l’aide de partenaires spécialisés. Les donnés sur les espèces sont très disparates; les groupes sur lesquels la SNPN mène des inventaires réguliers sont : les odonates, les orthoptères, les lépidoptères rhopalocères, les coléoptères aquatiques, les coléoptères cérambycidés…
- Suivi des anguilles et de la passe à anguilles du vannage de Bouaye
A mi-chemin entre l’opération de suivi et de gestion, le suivi de la passe à anguille pour les petites anguilles jaunes et civelles pigmentées qui recolonisent le lac depuis l’aval permet d’assurer le bon fonctionnement de cette passe et d’avoir un indicateur des remontées d’anguilles sur le lac.
- Suivi du botulisme
Le botulisme et la mortalité d’oiseaux qu’il provoque est un problème chronique à Grand-Lieu depuis de nombreuses années. Ce phénomène est du à une toxine produite par une bactérie présente dans le milieu et qui, en fonction des conditions environnementales et la concentration des oiseaux, se développe ou non. Sur un lac comme Grand-Lieu, il est impossible de se débarrasser de la bactérie. La seule réponse aux épisodes de mortalité est le ramassage des cadavres d’oiseaux touché par le botulisme. Ainsi la SNPN prospecte régulièrement, de juin à septembre, les bordures et herbiers de nénuphar du lac pour détecter le phénomène et essayer de limiter sa propagation. C’est majoritairement le canard colvert qui est touché, mais la quasi totalité des oiseaux d’eau peut être concernée.
- Entretien des milieux
Certains milieux nécessitent une intervention pour assurer leur conservation. C’est par exemple le cas du réseau de canaux (douves) qui permet au gestionnaire, aux scientifiques et aux pêcheurs d’accéder au site mais également à certaines espèces (oiseaux, poissons) de se développer et d’avoir un accès plus facile à certains milieux. La SNPN assure un entretien léger et régulier de ces douves (par dévasage).
- Acquisition et gestion de nouvelles parcelles
La SNPN a pu acquérir pour les préserver près de 120 ha de prairies inondables, plan d’eau, roselières et boisements humides au cœur des marais de Grand-Lieu. Cette acquisition, dans un secteur non classé en RNN, permet d’assurer la préservation à long terme de ces sites.
La gestion est assurée en partenariat avec des éleveurs locaux qui fauchent ou mettent leurs bovins. La SNPN a également entrepris des opérations de restauration de prairies abandonnées.