La pollution des eaux de la Camargue : l’action humaine mise en cause

Hydrologie Camarguaise

La Réserve Naturelle Nationale de Camargue est au cœur du delta de la Camargue. Sa gestion hydrologique ne dépend en réalité pas directement du gestionnaire puisque bon nombre d’acteurs du territoire (gestionnaires voisins, agriculteurs, riverains, syndicats) dépendent de ce système lagunaire au cœur de l’île de Camargue ou l’utilisent (pêche, drainage…).

Le bassin versant de l’île de Camargue, par un système de digues de protection et de canaux syndicaux, est ainsi totalement anthropisé. Il n’existe plus d’apports gravitaires par le Rhône, l’ensemble des apports en eau, hormis les apports naturels des précipitations (sachant que l’évaporation est en moyenne trois fois supérieure à la pluviométrie annuelle) se font par pompage. De plus, ces apports en eau douce ne suivent pas ou peu les dynamiques et rythmes hydrologiques naturelles d’une lagune méditerranéenne.

 

La Camargue, lieu de discorde

La Camargue est en réalité un espace hybride – un anthroposystème  –  mélange de composantes écologiques (écosystèmes, habitats, espèces) et anthropiques (sociosystèmes culturels et économiques). Sa « naturalité » est actuellement façonnée par une artificialité très prégnante (digues, graus, assèchements, mises en eau) et soumise à des dynamiques de changements importantes (climat, Espèces Exotiques Envahissantes, mutations/intensifications agricoles, désindustrialisation salicoles, développement touristique). Il en résulte des visions identitaires et quant à l’avenir écologique ou sociologique du Delta, fortement divergentes entre acteurs du territoire.

 

Des suivis scientifiques essentiels

La SNPN met en œuvre, depuis plus de 30 ans, un large éventail de suivis scientifiques et de matériels de mesure pour mener à bien l’ensemble de ses missions réglementaires, ses expertises, l’application de son Plan de Gestion, la diffusion de ses données publiques et la participation à la recherche. En hydrologie à titre d’exemple cela représente notamment :

  • Réseau de suivi mensuel de la salinité de l’hydrosystème Vaccarès depuis 1980 38 points de mesures dont 23 stations en continu depuis 2015.
  • Réseau de suivi en continu du niveau des étangs du système Vaccarès : 27 échelles limnimétriques en place et calées NGF94 depuis 1982 + 5 Thalimèdes (depuis 1951/1982) + 9 sondes CTD ou Orpheus (dont 4 cogérées avec la Tour du Valat) sur les étangs inférieurs, les Impériaux, Consécanière, le Vaccarès, le canal du Fumemorte, le canal de Rousty, etc..
  • Suivi en continu de la qualité de l’eau en période rizicole des principaux tributaires du Vaccarès depuis 2011.

 

La SNPN participe en parallèle à de multiples groupes de travail de gouvernance de l’eau au cœur du Delta (Comité, Schémas Directeurs des ASCO/ASA, etc.) et à la cogestion des EMSC.

Douze années de recherches en écotoxicologie (1996-2008) menées par la SNPN et de nombreux laboratoires de recherche ont montré la bioaccumulation de polluants locaux et rhodaniens aux effets délétères sur l’ensemble de l’écosystème, notamment chez l’anguille.

 

Une contamination chronique des écosystèmes

L’interconnexion des zones humides avec des zones agricoles adjacentes conduit à une contamination chronique des écosystèmes aquatiques et de leurs réseaux trophiques. En raison de leur position de réceptacle des eaux de drainage des exploitations rizicoles et des eaux de ruissellement des autres agrosystèmes, les étangs camarguais (Étang de Vaccarès et des Impériaux notamment) sont particulièrement menacés.

Ils reçoivent des résidus de traitement de produits agrochimiques, auxquels s’ajoutent les polluants transportés par le Rhône, dont l’eau est captée pour l’irrigation.

À ces apports hydrologiques s’ajoute également le transfert atmosphérique de produits organiques agricoles ou industriels (comme les HAP). Ces substances sont bioaccumulées dans les organismes (deVaufleury et Gimbert, 2013) à tous les niveaux du réseau trophique.

En 2008 Comoretto et al. montraient déjà que 90 % des pesticides retrouvés dans les lagunes et les canaux de Camargue résultaient de la culture du riz. Douze années de recherche en écotoxicologie (1996-2008) entre la Réserve Naturelle Nationale de Camargue et des chercheurs ont montré la bioaccumulation de polluants locaux et rhodaniens, aux effets délétères chez les anguilles notamment.

 

La SNPN, gestionnaire de la réserve, agit pour protéger cet espace naturel

Face à ces indicateurs biologiques inquiétants depuis plus de quinze ans, son gestionnaire, la SNPN, se mobilise pour évaluer la contamination chronique des eaux et l’impact sur le milieu aquatique dont certaines activités humaines sont tributaires.

Le schéma ci-dessus montre que depuis 2011, on constate la présence de pesticides dans les eaux de la réserve avec une quantité importante sur les périodes de mars à septembre. Cette observation met à mal la biodiversité. En effet, depuis 2009 la SNPN lance l’alerte sur la dystrophie de l’étang du Vaccarès, la disparition de 90 % de son herbier de zostères naines ainsi que l’importante pollution chimique d’origine agricole des eaux et des sédiments sur son territoire.

 

 

Rappel de définition d’un micropolluant et d’un produit phytosanitaire

Un micropolluant peut être défini comme une substance indésirable détectable dans l’environnement à très faible concentration (μg/L voire ng/L). Sa présence est, en grande partie, due à l’activité humaine (procédés industriels, pratiques agricoles ou activités quotidiennes) et engendre des effets négatifs sur les organismes vivants en raison de sa toxicité, de sa persistance et de sa bioaccumulation.