Ce dimanche, pensez aux mangroves !

Ce dimanche 26 juillet, c’est la Journée internationale des mangroves. Si cette célébration s’ajoute aux très nombreuses journées mondiales de l’année, elle a été validée par l’UNESCO pour une très bonne raison : les mangroves sont à la fois des havres de biodiversité, des maillons écologiques importants, des écosystèmes menacés et des « infrastructures vertes » qui rendent des services fondamentaux à nos sociétés.

Une célébration

Chaque année, la « Journée internationale pour la conservation de l’écosystème de la mangrove », puisque tel est son nom officiel, est célébrée le 26 juillet pour sensibiliser les populations et les États à l’importance des mangroves en tant « qu’écosystème unique, spécial et vulnérable », et promouvoir des solutions pour leur gestion durable, leur conservation et leur utilisation.

Les mangroves, des zones humides nourricières

En France, les zones humides tropicales, que sont les mangroves, sont présentes dans les territoires d’Outre-mer de la zone intertropicale, à l’exception de La Réunion. Plus particulièrement, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie abritent 92 % (1) des 88 000 ha de mangroves françaises, avec respectivement près de 53 000 ha et 28 000 ha. Viennent ensuite la Guadeloupe, la Martinique, Mayotte, les Îles éparses, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française.

Ces forêts entre terres et mers sont des havres de biodiversité, avec une faune et une flore très riche : entre leurs racines et leurs branches s’abritent, s’ébattent et s’engraissent de nombreux poissons, crustacés, mollusques, oiseaux et quelques mammifères. Les plantes, pour leur part, sont des espèces très spécialisées pour vivre dans un milieu très particuliers, où eaux chaudes et salées se disputent avec un sol instable et pauvre en oxygène, où inondations alternent aux exondations.

Des mangroves pour absorber le carbone

Mais outre cette richesse biologique typique, les écosystèmes de mangroves apportent aussi des services fondamentaux aux sociétés humaines, et ceci aussi bien localement que globalement : Les mangroves (comme les tourbières et les marais littoraux), sont en effet des championnes du stockage du carbone, et donc des fers de lance dans la lutte contre l’accroissement de l’effet de serre à l’échelle mondiale (2). Bien qu’occupant une surface bien inférieure aux forêts terrestres (moins de 3 %), les mangroves absorbent autant de carbone que celles-ci !
Comment est-ce possible ? Parce qu’au-delà de stocker le carbone dans leur bois, les mangroves le stockent également dans les sédiments qui s’empilent entre leurs racines, et en continuant de croître par-dessus, ces milieux littoraux n’atteignent jamais de saturation en carbone, au contraire des sols terrestres.

Des remparts végétaux contre vagues et tempêtes

Les mangroves forment une barrière naturelle et atténuent les effets des vagues et du vent, et stabilisent les sédiments. De cette façon, elles luttent contre l’érosion et les risques de rupture du cordon littoral.
De plus, ces milieux réduisent la hauteur des vagues de 75 % (3), ce qui n’est pas sans intérêts en cas de raz-de-marée, C’est pour cette raison que la Thaïlande restaure des mangroves dans l’estuaire de Krabi, pour un service rendu par celles-ci de protection des côtes estimé à 310 000 $ par an (4). Par ailleurs, la capacité d’élévation des mangroves peut leur permettre d’accompagner en partie la hausse du niveau de la mer, et donc de poursuivre ce rôle d’atténuation des effets de la crise climatique, qui s’accompagnera aussi d’une hausse de la fréquence et de la puissance des tempêtes, mais aussi d’une perturbation des courants marins et donc d’une accélération probable de l’érosion.


Texte : G. Macqueron/SNPN, illustration : S. Guinebaud, © Fête de la nature

Des milieux menacés

Malgré tous ces atouts, ces milieux sont malmenés : 20% (5) de leur étendue a disparu entre 1980 et 2005 et les mangroves restantes sont altérées à plus de 75% (6).

La principale cause de cette destruction est, en France, l’urbanisation et l’aménagement des côtes : construction de logements, de zones d’activités, de routes, poldérisation industrielle pour l’aménagement des aéroports, etc. En outre, ces constructions perturbent le fonctionnement de la mangrove, c’est-à-dire les échanges complexes à l’interface entre la mer et les terres, et dégradent voire détruisent progressivement ces milieux.

Mais d’autres menaces existent :
• l’agriculture (rizières) et l’aquaculture (crevettes), par la destruction du milieu, les prélèvements d’eau et les pollutions ;
• le tourisme, avec la construction d’infrastructures, le dérangement, les prélèvements, le piétinement par les humains ;
• les déchets et les pollutions qui découlent des lieux d’habitations, des loisirs et des activités agricoles ;
• les espèces exotiques envahissantes et la crise climatique, conséquences des activités humaines globales.

Des milieux à protéger

Pour lutter contre ces dégradations, La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a fixé en 2019 l’objectif d’élaborer et de mettre en œuvre un programme de protection de 55 000 hectares de mangroves pour la fin 2020, et 35 000 ont ainsi été acquis ou gérés, restaurés (7). Et pour aller au-delà de cette approche, comme elle l’a déjà exprimé en 2017 (8), la Société nationale de protection de la nature soutient et promeut (9) l’intégration des solutions fondées sur la nature (et en particulier les zones humides). De la sorte, la protection, la restauration et la création de zones humides comme infrastructures vertes accroissent la résilience à la fois de la nature et de notre société.

Enfin, à l’échelle individuelle, chacun peut devenir acteur de la protection des mangroves des outre-mer : les résidents locaux peuvent par exemple signaler des perturbations (défrichement, décharges sauvages, brûlages, installations illégales etc.) grâce à l’application ROM (10) (réseau d’observation et d’aide à la gestion des mangroves), tandis que les habitants de l’hexagone peuvent soutenir soit directement, soit indirectement (par le biais de compensation carbone par exemple) des organisations qui œuvrent à la gestion et la protection des mangroves d’outre-mer.

 

Pour aller plus loin

Alain Pibot et Anne Caillaud, 2018. « Les mangroves : Écosystème extraordinaire et enjeux capitaux ». Le Courrier de la nature n°311, p. 33-39.

 

Plus d’information

Le Pôle-relais zones humides tropicales porté par le comité français de l’UICN et le Conservatoire du littoral : https://www.pole-tropical.org/

Les objectifs de développement durable (ODD) (11) de l’ONU auxquels contribuent les mangroves :

 

Objectif 11 : Villes et communautés durables
Objectif 12 : Consommation et production responsables
Objectif 13 : Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques
Objectif 14 : Vie aquatique
Objectif 15 : Vie terrestre

 

Grégoire Macqueron

Chargé de communication et d’information Zones humides
Correspondant ONG pour la CESP de Ramsar en France

 

Bibliographie

1 : PRZHT, 2020. https://www.pole-tropical.org/actions/les-actions-du-reseau-dobservation-des-mangroves/carnama/
2 : A blueprint for blue carbon toward an improved understanding of the role of vegetated coastal habitats in sequestering CO2 (Mcleod, 2011) ; Clarifying the role of coastal and marine systems in climate mitigation (Howard, 2017)

3 : McIvor & al., 2012

4 : Dudley, N., Buyck, C., Furuta, N., Pedrot, C., Renaud, F., et K. Sudmeier-Rieux, 2015. Protected Areas as Tools for Disaster Risk
Reduction. A handbook for practitioners. Tokyo and Gland, Switzerland: MOEJ and IUCN. 44 p. http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/
resources/2015-001.pdf (cf. p. 15)

5 : FAO, 2007. The World’s mangroves, 1980-2005. http://www.fao.org/3/a1427e/a1427e00.pdf

6 : IPBES (2019): Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. E. S. Brondizio, J. Settele, S. Díaz, and H. T. Ngo (editors). IPBES secretariat, Bonn, Germany.
https://ipbes.net/global-assessment

7 : Conservatoire du littoral, 2009. Les mangroves de l’outre-mer français – Ecosystèmes associés aux récifs coralliens. http://ifrecor-doc.fr/items/show/1481

8 : https://www.snpn.com/declaration-internationale-solutions-fondees-sur-la-nature-gestion-de-leau-et-changement-climatique/

9 : https://www.snpn.com/la-snpn-soutient-lappel-a-restaurer-les-tourbieres-et-a-promouvoir-les-zones-humides-comme-solutions-face-a-la-crise-climatique/

10 : https://rom.pole-tropical.org/home

11 : https://www.undp.org/content/undp/fr/home/sustainable-development-goals.html