Article Ouest France / Des milliers d’oiseaux meurent du botulisme au lac de Grand-Lieu : « Du jamais vu en trente ans »
Article Ouest France du 25 juillet 2025, rédigé par Sylvain AMIOTTE
Plus de 3 000 cadavres d’oiseaux, notamment de canards colverts, ont été ramassés depuis début juillet sur lac de Grand-Lieu, au sud de Nantes (Loire-Atlantique), en raison d’une épidémie « massive » de botulisme qui frappe aussi les marais de Brière.
Depuis seize ans qu’il dirige la réserve naturelle nationale du lac de Grand-Lieu (2 700 hectares), Jean-Marc Gillier n’a jamais vu ça. Et pour cause : l’épidémie de botulisme aviaire qui frappe depuis début juillet cette zone humide de 6 300 hectares, au sud de Nantes (Loire-Atlantique), comme les marais de Brière à l’ouest du département, atteint « une ampleur inédite depuis trente ans ». Loin encore de la crise de 1995, quand au moins 20 000 à 30 000 oiseaux avaient été touchés.
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Depuis deux semaines, à bord d’un hydroglisseur sur les eaux peu profondes et envasées du lac, le directeur et un membre de son équipe ramassent « 100 à 200 cadavres par jour », pour un total de 1 600 à ce jour, « à 80 % des canards colverts, mais aussi des espèces protégées, comme des spatules blanches ou des busards des roseaux ».
« Ramasser pour casser le cercle vicieux »
Un volume quasi similaire a été récupéré du côté des 650 hectares de la réserve régionale, gérée par la fédération des chasseurs de Loire-Atlantique, portant à plus de 3 000 le décompte macabre à Grand-Lieu depuis le début du mois. Un chiffre certainement loin de la réalité, beaucoup de zones étant inaccessibles. Et à comparer avec la présence estimée de 12 000 colverts avant l’épisode, dont le déclin n’est pas encore perceptible.
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« On y passe toutes nos journées, on écope comme on peut, mais on a beaucoup de mal. Il faut aussi organiser le transport vers l’équarrissage. Notre objectif est de casser le cercle vicieux de l’épidémie avant l’arrivée des premiers oiseaux migrateurs, comme les sarcelles d’hiver, d’ici deux à trois semaines (N.D.L.R. : aux alentours du 10 août) », témoigne Jean-Marc Gillier.
Si le risque d’une contamination de l’être humain et des mammifères est exclu, selon la préfecture, cette maladie paralysante se transmet rapidement entre oiseaux et peut faire beaucoup de dégâts dans un tel sanctuaire de biodiversité. D’où l’importance d’un ramassage rapide et systématique. « Si on laisse les cadavres dans la nature, ils deviennent contaminants, attirant mouches et asticots qui contaminent les oiseaux qui les mangent », reprend le directeur.
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Christophe Sorin, conservateur de la réserve régionale située sur la partie orientale du lac, côté Passay, est aidé par deux autres salariés de la fédération de chasse. Ils écument les lieux cinq jours sur sept : « On est assez efficace, on arrive à repasser à pied partout tous les trois jours. On est sur des berges de sable et de graviers, c’est moins compliqué que dans les vasières de la réserve nationale. Mais on n’arrive pas à enrayer le phénomène, avec toujours 80 cadavres par jour. »
Un problème récurrent
Le problème est récurrent au lac de Grand-Lieu. La bactérie à l’origine de la maladie y est présente naturellement, sous forme de spores. Mais leur développement et leur production de toxine dépendent de trois facteurs : des fortes chaleurs, peu d’eau, et beaucoup d’oiseaux. Si les trois sont réunis, comme cette année, la maladie ressurgit avec plus ou moins de force.
« D’habitude, on a des petits épisodes, avec quelques dizaines d’oiseaux morts de mi-juin à mi-août. L’an dernier, il n’y avait quasiment rien eu. Là, c’est un épisode massif, très diffus sur la réserve, et qui dure particulièrement », précise Jean-Marc Gillier.
Les colverts ont une bonne capacité de régénération. Mais après l’épisode de 1995, d’autres espèces plus rares avaient mis « deux ans à s’en remettre », se souvient Christophe Sorin. Pour l’heure, seule une trentaine de cadavres de spatules – espèce emblématique du lac – a été ramassée, pour une population estimée à 600 couples. « Il ne faudrait pas qu’on en perde trop », poursuit le conservateur.
Le directeur de la réserve nationale n’en fait pas mystère : la dégradation continue de la qualité de l’eau du lac, de plus en plus chargée en matières organiques en raison de la pollution de son bassin-versant (assainissement, pratiques agricoles…), accentue le risque de survenue d’un tel phénomène.