En 2021, on recense 16 343 zones clefs pour la biodiversité, aussi bien terrestres que marines. Ici, à l'est de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Photo : Valérie Besnard

Le bilan contrasté des objectifs mondiaux sur les aires protégées

En 2010, la quasi-totalité des pays du monde adoptait un panel de 20 objectifs à atteindre avant 2020 pour conserver la biodiversité : les objectifs d’Aichi. Parmi eux, l’objectif n° 11 se focalisait sur les aires protégées et fixait un cadre mondial ambitieux pour leur développement. Quelques mois après son échéance, et alors que les objectifs pour 2030 sont en cours de négociation, le moment est parfait pour dresser un bilan afin d’évaluer si cet objectif était pertinent et s’il a été atteint.

Texte : Victor Cazalis, chercheur postdoctorant en conservation de la biodiversité au Centre allemand pour la recherche intégrative sur la biodiversité (iDiv), Leipzig (Allemagne)

Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 331, novembre-décembre 2021

En 1992, à l’occasion du sommet de la Terre à Rio, la Convention pour la diversité biologique était rédigée et ratifiée par la quasi-totalité des pays du monde, à l’exception notable des États-Unis. L’objectif était d’établir un cadre international pour lutter contre l’érosion de la biodiversité. Depuis cette date, les Parties de la convention se réunissent environ tous les deux ans dans une Conférence des Parties (COP Biodiversité).

Pourquoi plusieurs COP ?

Le sigle COP, pour Conférence des Parties, est souvent associé aux discussions internationales sur le climat (par exemple avec la COP 26 qui s’est tenue en novembre 2021 à Glasgow) mais désigne en réalité quelque chose de plus large. Les COP sont des réunions des signataires d’une convention – que l’on appelle les Parties de la convention – rejoints par d’autres groupes représentant la société civile (par exemple des ONG, scientifiques, populations autochtones, syndicats, entreprises) ainsi que des médias. Les signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques se sont donc réunis 26 fois depuis la signature de la convention en 1992 lors des COP climat. De même, les signataires de la Convention pour la diversité biologique se sont réunis 14 fois depuis la signature de la convention en 1992 dans ce que l’on appelle pour faire court les COP biodiversité.

Lors de la COP 10 biodiversité en 2010, une liste de cinq buts et 20 objectifs furent élaborés et adoptés : les objectifs d’Aichi. Ce texte ambitieux exigeait par exemple que la destruction d’habitats soit au moins divisée par deux, que toutes les zones agricoles et les stocks de poissons soient gérés durablement, que les subventions néfastes à la biodiversité soient éliminées ou réformées, tout cela afin d’atteindre un taux nul d’extinction des espèces sauvages. Ces objectifs devaient être atteints d’ici 2020 ! Malheureusement, les efforts de conservation ont été trop faibles pour tenir ces engagements, comme le révèle un rapport des Nations unies publié l’année d’échéance, en 2020 [1] : aucun de ces objectifs n’a été tenu au niveau global, même s’il y a eu des progrès sur certains points comme nous allons le voir dans la suite de cet article.

Le présent article se concentre sur l’objectif n° 11 d’Aichi, qui s’intéressait particulièrement aux aires protégées. En effet, celles-ci forment un outil central de la conservation des habitats et des espèces. Cet objectif n° 11 est bien connu pour sa partie quantitative, qui fixait que chaque pays devait établir des aires protégées ou « d’autres mesures de conservation efficaces par zone » sur « au moins 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10 % des zones marines et côtières ». Mais cet objectif chiffré s’accompagnait de précisions qualitatives extrêmement importantes pour s’assurer que les aires protégées atteignent leur rôle de conservation. En particulier, l’objectif précisait que les aires protégées devaient couvrir « les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes », mais également qu’elles devaient constituer des « réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés », être « gérées efficacement et équitablement », et « intégrées dans l’ensemble du paysage terrestre et marin ». Maintenant que 2020 est passé, quel bilan peut-on dresser de cet objectif ?

Des progrès sur l’aspect quantitatif

L’avantage de la partie quantitative de cet objectif est qu’elle est facile à mesurer. En effet, grâce à la création d’une base de données (la World database on protected areas) qui cartographie les aires protégées de la quasi-totalité des pays, il est facile de calculer la surface couverte par ces aires pour chaque pays du monde.

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