Le Conseil AgriFish est la dernière occasion de faire preuve de courage pour sauver la pêche en Méditerranée occidentale.
Plutôt que de jouer à la roulette russe avec leurs pêcheries méditerranéennes, l’Espagne la France et l’Italie feraient bien mieux de respecter la réglementation européenne à l’adoption de laquelle elles ont contribué
À quelques jours de la réunion du Conseil agriculture et pêche (AgriFish) les 12-13 décembre, les ONG environnementales sont extrêmement préoccupées par le fait que la France, l’Espagne et l’Italie se livrent à des jeux politiques qui risquent de ruiner tous les espoirs de sauver la pêche en Méditerranée occidentale.
La Méditerranée occidentale est en proie à une surpêche inacceptable – les niveaux de capture y sont 2,71 fois supérieurs aux seuils qualifiés de durables, bien au-delà des limites fixées par la politique commune de la pêche (PCP). Ce n’est qu’en suivant strictement les avis scientifiques et en adoptant des mesures énergiques pour protéger les habitats clés qui favorisent la reconstitution des stocks que l’on pourra résoudre cette crise sans précédent. Cela nécessite de combiner plusieurs actions :
- une réduction de l’effort de pêche associée à des limites de captures réparties équitablement ;
- l’amélioration des mesures de sélectivité pour éviter la capture de juvéniles (grilles d’échappement, généralisation de la maille de 90 mm et augmentation du maillage des culs de chalut) ;
- des mesures spatiales, à savoir la création de réserves intégrales pour protéger les habitats sensibles comme les nourriceries et les frayères.
Enfin, la mise en œuvre d’un plan de transition du segment chalutier (à l’origine de la majorité des captures) constitue plus que jamais une nécessité.
Dans leur déclaration commune, les ONG signataires ont notamment souligné qu’en 2019, « l’Espagne, la France et l’Italie se sont engagées sur une feuille de route devant mener à une pêche durable en Méditerranée occidentale d’ici 2025, ce qui constitue déjà un retard de cinq ans par rapport à l’obligation de durabilité fixée par la PCP pour 2020. Aujourd’hui, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme : aucun des scénarios de gestion évalués pour l’année 2022 ne mettra fin à la surpêche en 2025, aucun des trois pays n’ayant mis en place les réductions d’effort nécessaires. Pour empêcher la France, l’Italie et l’Espagne de continuer à mettre en péril l’avenir de la pêche en Méditerranée et celui des communautés côtières qui en dépendent pour leur subsistance, nous demandons à la Commission européenne d’adopter des mesures d’urgence, comme elle en a le pouvoir, avant qu’il ne soit trop tard ».
Contrairement à ce dont on les accuse trop souvent, les ONG ne sont pas indifférentes aux impacts socio-économiques potentiels de ces mesures. La mise en œuvre au niveau national devra prévoir des plans de soutien, avec notamment des incitations fortes à la transition vers les pratiques les plus exemplaires en matière environnementale et sociale (comme le prévoit l’article 17 de la PCP). Ces programmes devront être rattachés à la mise en œuvre du plan pluriannuel pour la Méditerranée occidentale. Ils contribueront ainsi à une gestion moderne qui intègre les outils bioéconomiques dans les processus de décision afin de minimiser les impacts socio-économiques de la transition tout en atteignant les objectifs du plan pluriannuel pour la Méditerranée.
En Méditerranée, la PCP n’a été mise en œuvre qu’a minima :
- l’interdiction des rejets avec obligation de débarquement, l’un des fers de lance de la PCP, n’a pas été appliquée ;
- les mesures de sélectivité n’ont pas été adoptées ;
- les zones de reconstitution (fermées à la pêche) sont trop rares et trop petites ;
- l’effort de pêche reste trop élevé.
Ce jugement n’émane pas des ONG environnementales, mais de la communauté scientifique, et notamment du Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP), l’organe scientifique de la Commission européenne chargé de la pêche. Nous le partageons et le relayons.
Le temps presse et l’effondrement des stocks pourrait bientôt devenir une dure réalité en Méditerranée. Dans certaines zones, le merlu européen est pêché à plus de 8 fois au-dessus des niveaux considérés comme durables, 6 fois pour le rouget et les crevettes bleues et rouges, ce qui entraîne une diminution des captures et des déséquilibres écosystémiques qui précipitent les pêcheurs dans la tourmente économique.
Le Conseil AgriFish des 12-13 décembre est la dernière occasion de faire preuve de courage politique en s’engageant avec détermination dans la mise en œuvre du plan pluriannuel pour la Méditerranée occidentale adopté en 2019.
Les ministres européens des pêches ne sont pas démunis. Ils connaissent les solutions éprouvées qui ont donné des résultats positifs ailleurs existent :
- réduction drastique de l’effort de pêche ;
- application de la réglementation ;
- adoption à grande échelle de la sélectivité ;
- introduction d’un réseau significatif de zones de fermetures ;
- plan de soutien à la transition à destination du secteur de la pêche et des communautés côtières.
La France, l’Espagne et l’Italie ne peuvent plus tourner le dos à la science, miner la crédibilité de la PCP et de l’UE, et se contenter d’accompagner passivement l’effondrement des stocks et la mise en péril des communautés côtières qui en dépendent.
Les signataires de ce communiqué :