Sauver le vison d’Europe en France
Les derniers noyaux d’une espèce en danger critique d’extinction Le vison d’Europe, petit mustélidé semi-aquatique, est une espèce en danger critique d’extinction sur laquelle pèsent des menaces essentiellement d’origine anthropique. En Europe occidentale, il n’est plus présent qu’en France et en Espagne ; notre pays a donc une responsabilité majeure pour éviter sa disparition. Un effort d’inventaire inédit est déployé pour identifier les derniers noyaux de population de ce petit carnivore particulièrement difficile à détecter, afin de cibler les zones où engager prioritairement des mesures de conservation et ainsi espérer sauver cette espèce patrimoniale de l’extinction. Texte : Christine Fournier-Chambrillon, chef de projet, Groupe de recherches et d’études pour la gestion de l’environnement, Ingrid Marchand, coordinatrice du programme Life Vison, LPO, Estelle Kerbiriou, Conseil départemental 17, Gestion des espaces naturels sensibles, Maylis Fayet, ingénieure d’études et développement, cellule technique de l’Office français de la biodiversité Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 321, mars-avril 2020 Le vison d’Europe (Mustela lutreola) est un petit carnivore de la famille des mustélidés, dont il est l’un des plus petits représentants. Cette famille compte en France huit espèces natives : la belette (Mustela nivalis), l’hermine (Mustela erminea), le vison d’Europe, le putois d’Europe (Mustela putorius), la fouine (Martes foina), la martre des pins (Martes martes), la loutre d’Europe (Lutra lutra) et le blaireau européen (Meles meles). Seuls le vison et la loutre d’Europe sont protégés au niveau national. Le vison d’Europe partage des caractéristiques morphologiques avec tous les mustélidés : un corps mince et allongé, des pattes courtes, un cou fort, une tête légèrement aplatie se terminant par un museau court. Son pelage est entièrement brun, avec des zones plus sombres aux extrémités, exceptées deux taches blanches sur le museau, courant sur la lèvre supérieure et la lèvre inférieure. Les individus pèsent rarement plus de 1 kg (environ 850 g chez les mâles, 500 g chez les femelles) et mesurent autour de 50 cm, queue comprise. Animal principalement crépusculaire et nocturne, il est très discret et difficile à observer, et donc peu connu du grand public. Il est d’ailleurs souvent confondu avec le putois ou avec le vison d’Amérique (Mustela vison), espèce exotique envahissante originaire d’Amérique du Nord. Les différents suivis effectués en France ont montré que le vison d’Europe est inféodé aux zones humides voire inondées, qu’il ne quitte que pour se déplacer d’un bassin versant à l’autre. Il fréquente tous les types de milieux humides (cours d’eau forestiers ou agricoles, boisements inondables, marais, prairies humides, ruisseaux…) qui lui procurent abris et nourriture. Prédateur généraliste, il affectionne particulièrement la présence d’une mosaïque de différents milieux, qui lui permet de disposer d’un panel diversifié de proies en toutes saisons : amphibiens, petits mammifères, oiseaux, poissons, crustacés. Par ailleurs, la présence d’une strate végétale basse et dense en milieux partiellement ou entièrement inondés est essentielle pour lui garantir des abris suffisants, notamment pour ses gîtes. Il utilise en effet de très nombreux abris tout au long de l’année, principalement à même le sol sous la végétation (carex, joncs, roseaux, ronciers…), mais également sous des tas de bois, sur des souches d’arbre recepées, dans des systèmes racinaires, dans des terriers existants , etc. Les visons d’Europe sont territoriaux et les deux sexes vivent séparés, se retrouvant à l’époque du rut. L’espèce occupe des territoires généralement linéaires le long des cours d’eau (3 à 15 km par individu), relativement vastes compte tenu de sa petite taille. Les domaines vitaux des mâles recouvrent le plus souvent le territoire de plusieurs femelles. Les mâles font par ailleurs preuve d’une grande mobilité en période de rut, et certains peuvent changer de bassin versant et parcourir jusqu’à 70 km à vol d’oiseau. Les accouplements ont lieu de mi-mars à fin juin. Après une gestation d’une quarantaine de jours, les femelles donnent naissance à une seule portée, généralement entre avril et juillet, comptant deux à cinq visonneaux . La femelle assure seule l’élevage des jeunes, qui sont sevrés après environ 10 semaines et se séparent de la mère vers 3 à 4 mois. Ils atteignent leur maturité sexuelle le printemps suivant, soit à environ 10 mois. Dans le milieu naturel, le vison d’Europe pourrait vivre jusqu’à 4 ou 5 ans, mais il est confronté à de très nombreuses causes de mortalité, essentiellement liées aux activités humaines, qui réduisent considérablement son espérance de vie (de nombreux individus n’atteignent pas 2 ans). Vison d’Europe, putois et vison d’Amérique : comment les reconnaître ? La confusion entre ces trois espèces est fréquente, mais il existe plusieurs caractéristiques permettant de les distinguer, par l’observation attentive du museau et de la fourrure. Sur le museau, le vison d’Amérique possède, tout au plus, quelques poils blancs sous la truffe, et une tache blanche partielle voire absente sur la lèvre inférieure. Le vison d’Europe et le putois ont quant à eux deux taches blanches bien nettes et symétriques sur les lèvres inférieure et supérieure. C’est l’observation attentive du pelage qui permet donc de les différencier. Le vison d’Europe possède un poil de bourre (le sous-poil, court et dense) brun-gris et un poil de jarre (le poil de couverture, plus long, raide et pigmenté) court marron, contrastant peu entre eux, alors que le putois possède un poil de bourre blanc-jaunâtre à beige clair et un poil de jarre plus long et noir ; le contraste entre les deux étant généralement bien visible sur les flancs. Par ailleurs, les oreilles du putois sont plus visibles que celles des visons, bien arrondies et dépassant du pelage, et sont bordées de blanc cassé virant au beige. Enfin, chez le putois, le dessus des yeux et parfois les joues sont généralement plus clairs, blanc-jaunâtre à beige clair, faisant apparaître un masque facial. Toutefois, chez les jeunes putois ou certains putois adultes très sombres, dits mélaniques, le masque facial est peu visible, voire absent, rendant la reconnaissance plus difficile. Le petit […]
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