Saint-Pierre-et-Miquelon : Un archipel français en Amérique du Nord
Situé dans l’Atlantique Nord, à l’embouchure du Golfe du Saint-Laurent et le long de la côte méridionale de Terre-Neuve (Canada), l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est pourtant une collectivité d’outre-mer française. Malgré sa petite taille, il comporte une diversité de milieux très influencés par l’océan, qui conditionne toute l’écologie de ce territoire peu connu du grand public et des naturalistes. Il abrite une diversité importante d’espèces aussi bien marines que terrestres. La typologie des habitats de Saint-Pierre-et-Miquelon réalisée en décembre 2010 constitue à ce jour le référentiel le plus abouti concernant les milieux naturels et semi-naturels terrestres qui y sont observés. Texte : Nathalie de Bouillane de Lacoste, écologue indépendante Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 320, janvier-février 2020 Si Saint-Pierre-et-Miquelon ne peut rivaliser avec la Guyane ou la Réunion en nombre d’espèces présentes et en taux d’endémisme (aucune espèce n’est présente uniquement sur ce territoire à l’échelle mondiale), l’archipel présente néanmoins un patrimoine naturel non négligeable. La faune est relativement bien connue grâce aux prospections et publications des naturalistes au cours des dernières décennies. Les oiseaux font l’objet d’investigations spécifiques et de synthèses régulières, mais de nombreuses publications se sont également intéressées ces dernières années aux mammifères terrestres et marins, aux tortues marines, aux insectes aussi bien qu’aux plantes, algues, lichens et champignons observés sur ce petit territoire. Une compilation réalisée pour le référentiel taxonomique français de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN) recense pour le milieu continental 963 espèces animales, 313 champignons et 866 espèces végétales (plantes vasculaires, mousses et lichens) comptant 700 autochtones, c’est-à-dire natives de l’archipel, et 166 introduites. Parmi ces dernières, certaines peuvent se révéler particulièrement envahissantes sur les îles, comme la renouée du Japon (Reynoutria japonica) ou le séneçon jacobée (Jacobaea vulgaris). Un archipel sculpté par les glaces L’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon s’étend à 18 km à l’ouest de la péninsule de Burin et à environ 4 300 km de Paris. Cet ensemble de huit îles occupe 242 km² en considérant les eaux intérieures. Les deux principales îles, les seules habitées, sont Saint-Pierre au sud-est, siège de la préfecture et des institutions politiques avec un peu plus de 5 500 habitants, et Miquelon-Langlade au nord-ouest, qui compte plus de 600 habitants et dont le territoire communal s’étend à l’ensemble des îles de Miquelon et Langlade. Un isthme de sable de 12 km de long s’est naturellement formé au fil des siècles depuis la dernière glaciation pour finalement réunir ces deux îles à la fin du XVIIIe siècle. Après plus d’un siècle de traités et d’échanges avec la Grande-Bretagne, l’archipel devient définitivement français en 1816 et possède depuis 2003 le statut de collectivité d’outre-mer. Il a notamment connu un essor à l’époque de la « grande pêche » à la morue et de la Prohibition américaine. Bien que situé à la même latitude que Nantes, Saint- Pierre-et-Miquelon présente un climat rigoureux, de type océanique froid et humide car il subit l’influence de masses d’air polaire continental des régions arctiques et des courants froids du Labrador. La température moyenne annuelle est de 5,7 °C avec une amplitude de 19 °C entre le mois le plus chaud (16,2 °C en août) et le mois le plus froid (-3,2 °C en février). Le taux de précipitation important et les vents souvent violents façonnent les paysages des îles et leur végétation. L’histoire géologique de ces îles est rattachée à celle de Terre-Neuve, et en particulier de la zone d’Avalon qui correspond à une ancienne chaîne de montagnes édifiée il y a 680 à 550 millions d’années (Ma). La morphologie de l’archipel est relativement complexe, avec des différences marquées entre les îles principales : Saint-Pierre, ses îlots périphériques et la Grande Miquelon, à l’exception du Cap, sont constitués essentiellement de roches d’origine volcanique datées du Précambrien (datées entre 600 et 562 Ma). La presqu’île du Cap, au nord de Miquelon, se distingue de tout le reste de l’archipel par ses formations métamorphiques, tandis que Langlade est formée de terrains sédimentaires fortement plissés avec des roches gréseuses et schisteuses. Il y a environ 18 000 ans, un glacier recouvrait entièrement les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon, et le mouvement de ces glaces a sculpté le relief actuel de l’archipel. La forêt boréale en régression Seule forêt boréale française, la forêt de Saint-Pierre-et-Miquelon appartient au type « sapinière à bouleau blanc », dans une variante liée à l’influence océanique. Elle est majoritairement résineuse, avec pour essence dominante le sapin baumier (Abies balsamea). Deux espèces d’épicéas, l’épinette blanche (Picea glauca) et l’épinette noire (Picea mariana), appelées « spruce » sur l’archipel, restent peu fréquents et souvent limitées aux sapinières, tout comme le mélèze laricin (Larix laricina). Moins abondantes également, des espèces de feuillus y sont présentes, comme par exemple le bouleau à papier (ou bouleau blanc, Betula papyrifera), l’aulne crispé (Alnus alnobetula subsp. crispa), deux espèces de cerisiers (Prunus virginiana et P. pensylvanica), le némopanthe (Ilex mucronata), le viorne cassinoides (Viburnum nudum var. cassinoides) ou encore le sorbier d’Amérique (Sorbus americana). Désignées localement par le terme « bouillées » ou « boisés », les forêts couvrent environ 12 % de l’archipel d’après le dernier inventaire en date. Des menaces multiples pèsent actuellement sur la forêt de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont la régression est réelle et toujours en cours. Cet écosystème, très […]
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