Protéger la biodiversité marine
Alexandre Meinesz
Odile Jacob. 2021. 330 pages. 24,90 €.
Texte : Gabriel Ullmann Texte initialement publié dans Le Courrier de la Nature n° 333, mars-avril 2022
Grand connaisseur des fonds marins et ardent protecteur de ces milieux, Alexandre Meinesz est un biologiste marin, plongeur et naturaliste, professeur émérite à l’université Côte d’Azur-laboratoire CNRS Ecoseas. Spécialiste de la végétation sous-marine, il a été le lanceur d’alerte sur l’invasion de l’algue Caulerpa taxifolia qui a défrayé la chronique dans les années 1990. Son nouveau livre bouscule bien des idées reçues sur les atteintes portées à la biodiversité marine et sur la protection de cette dernière. Il présente une évaluation assez révolutionnaire des impacts anthropiques en prenant pour exemple la Méditerranée. L’originalité de cette approche repose sur la distinction entre les atteintes à la biodiversité et celles qui sont préjudiciables pour les humains (comme la perte de la ressource halieutique). Cela conduit à mettre en évidence les actions les plus nocives pour la vie marine afin d’en améliorer prioritairement les dispositifs de protection. Sur les côtes méditerranéennes françaises, 42 sites Natura 2000 et deux parcs naturels marins ne font l’objet que d’une faible protection, ne permettant pas suffisamment de préserver durablement ces milieux. L’auteur fait le constat pour le moins grave que la croissance de la population mondiale augmente le tourisme de masse et une forte attraction pour les sites naturels. La surfréquentation estivale des plus beaux sites naturels des côtes françaises est déjà constatée, comme à Scandola sur les îles Lavezzi, à Porquerolles dans le Parc national de Port-Cros et à l’est de Marseille dans le Parc national des Calanques. L’auteur considère, non sans raison, que cette évolution est inéluctable. Les foules de visiteurs modifient les milieux naturels du littoral. Les gestionnaires de ces sites sont confrontés aux lobbies (tourisme, transport de personnes) qui exploitent ces richesses naturelles en favorisant leur accès sans aucune limitation. Ils incitent surtout les gestionnaires à aménager les espaces naturels pour faciliter et sécuriser l’accès aux touristes. Les plus beaux espaces naturels littoraux terrestres et marins sont ainsi petit à petit dénaturalisés. Cet essai révèle aussi à quel point les outils juridiques déployés pour défendre les espèces menacées et les espaces naturels doivent être réformés. Il est fort probable qu’au cours des décennies à venir, les effets du changement climatique global et les introductions d’espèces bouleverseront la biodiversité. Pour l’auteur cependant, la Méditerranée, les autres mers et les océans de la planète resteront bien vivants, mais différents. C’est un point de vue que je ne partage pas avec l’auteur, mais c’est bien mineur par rapport à l’apport scientifique et didactique remarquable de cet ouvrage de référence.