Primates : L’aventure congolaise avec P-WAC

Lipipi, chimpanzé pensionnaire du centre de réhabilitation de P-WAC. Photo : Amandine Renaud/www.p-wac.org

Texte et photos : Amandine Renaud, primatologue, fondatrice et directrice de l’association P-WAC Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 332, janvier-février 2022 Le chimpanzé (Pan troglodytes) est le plus proche parent des humains : avec lui nous partageons plus de 98 % de gênes communs et un ancêtre commun, qui fait que nous sommes des cousins, et non les descendants du singe. Malgré cette filiation (au sens large du terme), le chimpanzé est encore aujourd’hui incompris et malmené par les humains, loin de bénéficier de notre protection « familiale ». Ainsi le chimpanzé est victime des activités anthropiques telles que la chasse et le trafic illégal, la déforestation, les maladies. Aujourd’hui, on estime sa population sauvage à moins de 300 000 individus répartis dans 21 pays d’Afrique, et ce chiffre ne cesse de décroitre. Classé en Annexe 1 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites) et inscrit sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le chimpanzé est considéré comme patrimoine national en République démocratique du Congo (RDC) où il est intégralement protégé : il est interdit de le chasser, de le consommer et de le posséder. Pourtant, il s’agit là de théorie, car en pratique, il est loin de bénéficier d’une telle protection. Notre parent maltraité Le chimpanzé est chassé pour sa viande et pour certains usages des féticheurs (les sorciers traditionnels), et ce malgré les réglementations qui proscrivent ces pratiques. Primate social vivant en groupe, il est facilement tué par le chasseur aujourd’hui équipé d’armes de guerre, et non plus d’armes traditionnelles comme les flèches empoisonnées. Le manque de contrôle et de moyens facilite ce commerce : les écogardes et agents assermentés sont souvent bien moins armés que les braconniers. Le jeune chimpanzé quant à lui se retrouve dans les marchés africains, mais aussi mondial afin d’alimenter un vaste commerce, notamment à destination de la Chine : le trafic international de faune sauvage est le quatrième en importance après ceux de la drogue, des armes, et du commerce humain. Le Partenariat pour la survie des grands singes estime que pour un bébé chimpanzé vendu vivant sur les marchés locaux ou internationaux, 10 individus de son groupe ont été tués. Séparés du clan, beaucoup de ces singes orphelins ne survivent pas à ce traumatisme. Le jeune chimpanzé est ensuite jeté dans un sac, parfois drogué, puis ligoté à l’arrière d’une moto, avant d’être mis en vente. Là, il sera acheté par un habitant de la région pour être utilisé comme un chien de garde (vocalisant de peur ou de colère à l’approche de toute personne entrant sur la parcelle) ou encore par un expatrié pensant bien faire en sauvant l’animal de la rue, mais en réalité, encourageant le trafic. Il pourra également se retrouver chez un expatrié souhaitant avoir un animal exotique le temps de son séjour ; le chimpanzé sera ensuite abandonné dans un zoo local ou tué, en fonction de l’attachement que lui portait son propriétaire. La mise à mort du primate est courante : l’animal grandit vite, prend du poids et surtout de la force : « il a commencé à mordre », entend-on. Un habitat menacé Pour les chimpanzés qui ne sont pas capturés, c’est un autre combat qui démarre : en 2019, 24 millions d’hectares de couvert forestier ont disparu, dont 12 millions d’hectares de forêts tropicales et 3,8 millions d’hectares de forêts tropicales primaires, soit l’équivalent d’un terrain de football en moyenne toutes les six secondes pendant un an. L’habitat du chimpanzé se rétrécit comme peau de chagrin, chaque jour un peu plus, au bénéfice de l’agriculture locale, des monocultures de palme et de coco, de la production des denrées agricoles tropicales que l’on peut aujourd’hui trouver dans les grandes surfaces, mais aussi de l’exploitation du bois exotique qui fait nos meubles, nos parquets, etc. Ne vous y trompez pas… les labels de bois et d’huile de palme certifiés n’empêchent aucunement les coupes massives et illégales. La perte de l’habitat du chimpanzé est réelle et visible, y compris dans les parcs protégés ou l’abattage illégal a lieu. Le manque de connaissance de lois […]

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