Néonicotinoïdes : Les pouvoir publics cesseront-ils enfin de transgresser les lois protégeant la nature ?

Les pouvoir publics cesseront-ils enfin de transgresser les lois protégeant la nature ?
Diverses actualités conduisent à l’amère constatation que les responsables politiques au pouvoir en France recourent avec une fréquence accrue au système dérogatoire, qui depuis trop longtemps permet de vider de leur substance les lois contraignantes pour la protection de l’environnement. Les exemples sont hélas pléthoriques partout où la préservation des ressources naturelles et/ou de la biodiversité sont concernées.
Les néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles »
Ainsi, en introduisant la possibilité de dérogations, le projet de loi présenté le 3 septembre 2020 devant l’Assemblée nationale remet en cause le texte de 2016 interdisant les insecticides néonicotinoïdes surnommés « tueurs d’abeilles » – un qualificatif très en deçà de la réalité car ils détruisent de façon directe ou indirecte la quasi-totalité des espèces animales qui leur sont exposées.
Pourtant, un corpus considérable de recherches scientifiques a démontré que les insecticides néonicotinoïdes sont à l‘origine d’une régression calamiteuse non seulement de la biodiversité mais, en conséquence, de la grande variété de services écosystémiques qui lui sont associés, bien au-delà de la seule pollinisation. Ainsi, depuis le début de leur usage à vaste échelle dans la première moitié des années 1990, la biomasse d’insectes volants a baissé de plus de trois-quarts. En outre, la dérogation permettant l’emploi des néonicotinoïdes sur les cultures de betteraves est d’autant plus inadmissible qu’il existe d’autres types d’insecticides qui ont permis par le passé de les protéger efficacement des pucerons incriminés.
Une dérogation pour tous les néonicotinoïdes jusqu’en 2023
Ce projet de loi fait ainsi table rase des très nombreux travaux de recherche qui ont mis en évidence l’impact éco-toxicologique gravissime de ces substances, et il conduit en réalité à autoriser l’attribution de dérogations au niveau national pour tous les autres néonicotinoïdes jusqu’en 2023, quelle que soit la culture concernée. Ce fait est d’autant plus scandaleux qu’il se dispense du principe de non-régression du droit de l’environnement, pourtant énoncé dans la Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et du paysage du 8 août 2016.
Nous sommes ici face à une menace globale d’ampleur comparable à celle liée à l’usage des insecticides organochlorés voici une cinquantaine d’années, avant leur interdiction. Attendra-t-on d’être confrontés à des conséquences catastrophiques de la même ampleur que celles qui résultèrent des effets perturbateurs endocriniens de ces derniers pour prendre en urgence une mesure de simple bon sens qui aurait pu l’être plus tôt et sans douleur : l’abrogation totale de l’usage des néonicotinoïdes à l’échelle mondiale ?
François Ramade, professeur honoraire d’écologie à l‘université de Paris-Saclay, président d’honneur de la SNPN.