Mobilisons-nous pour les Bouquetins du Bargy

La SNPN s’associe à la LPO, FNE, l’ASPAS, Humanité et Biodiversité, WWF France, Mountain Wilderness, One Voice, Animal Cross, le SNAM Haute-Savoie et SFEPM pour dénoncer la demande de la préfecture de Haute-Savoie au ministre chargé de l’Écologie en vue d’obtenir une dérogation pour la capture par télé-anesthésie et l’euthanasie éventuelle de spécimens de Bouquetins des Alpes dans le massif du Bargy, ainsi que pour le prélèvement – c’est-à-dire l’abattage – d’un certain nombre de bouquetins dans la zone coeur du massif.

Une consultation publique est ouverte jusqu’au 28 avril. Mobilisons-nous en faveur des Bouquetins du Bargy.

En référence à l’avis du comité permanent du CNPN du 21 septembre 2017, la deuxième partie de cette demande porte sur l’abattage d’un maximum de 100 individus sur les deux années 2018 et 2019. Sachant que 6 individus ont été abattus en 2018, le potentiel restant à abattre pourrait donc s’élever à 94 bouquetins. Dans le cadre de ces opérations, les individus ne seraient pas capturés en vue d’être testés, mais abattus à distance puis feraient l’objet d’un contrôle sanitaire post-mortem.

Nous confirmons ici de la manière la plus ferme possible ce que nous avions dit lors des précédentes consultations en octobre 2017 et mai 2018, à savoir que nous sommes en désaccord total avec le contenu de cet avis pour la partie portant sur l’abattage d’individus non testés.

En conséquence, nous marquons également notre désaccord avec la formulation du projet d’arrêté préfectoral tel qu’il est soumis au public à compter du 8 avril 2019 sur une période de 20 jours, pour cette partie également.

Grâce aux travaux de l’ANSES, de l’ONCFS, des laboratoires vétérinaires, et d’autres, nous en savons certainement plus aujourd’hui sur ce « cas Bargy » que sur aucun autre cas d’épizootie brucellique affectant l’espèce Bouquetin des Alpes. Parmi les avancées et enseignements majeurs documentés depuis maintenant sept ans, nous en retenons plusieurs qui fondent nos prises de position :

La démonstration de l’efficacité d’un test de dépistage brucellique in situ, à condition bien entendu que les lots ne soient pas défectueux comme cela s’est produit en 2018 ;

La mise en évidence d’une spatialisation des hardes, notamment pour les femelles et les cabris, conduisant à des écarts de prévalence entre secteurs géographiques, à savoir en moyenne de l’ordre de 3% dans les zones périphériques contre 20% dans le coeur de massif ;

La reconnaissance par l’ONCFS d’un recul de l’épizootie sur le massif, ces écarts étant beaucoup plus faibles qu’indiqué précédemment par les pouvoirs publics, puisqu’en trois ans, pour les animaux non marqués, la prévalence sur le coeur de massif serait passée de 70 à 32%;

La bonne connaissance du niveau de population, à savoir un peu plus de 300 individus selon les derniers comptages de l’ONCFS, hors cabris de l’année 2018 ;

L’affirmation de la réduction drastique du volume du foyer infectieux, du fait de l’abattage à ce jour d’environ 480 bouquetins sur les 600 et quelques que comptait le massif au début des opérations ;

La reconnaissance très claire de l’inefficacité – voire du caractère absolument contre-productif – des abattages indiscriminés, lesquels déstructurent les hardes en donnant accès à la reproduction, avec des risques de contamination croisée, à un plus grand nombre d’individus;

Pour la première fois, l’indication que certains individus testés séronégatifs, et donc marqués, seraient porteurs d’un gène de résistance à la brucellose ;

L’affirmation scientifique unanime d’un risque extrêmement faible de contamination interspécifique par l’agent bactérien ;

L’occurrence d’un seul cas en 20 ans, cas dont l’origine est d’ailleurs scientifiquement incertaine, avec une équiprobabilité qu’il s’agisse d’une infection congénitale bovine ou bien d’une contamination par un bouquetin via un animal tiers ;

Et enfin l’absence d’urgence à agir, la démarche à conduire devant être constituée d’une combinaison de mesures mises en oeuvre sur plusieurs années (> 5 ans).

Prenant en compte l’ensemble de ces éléments, nous sommes fondés à affirmer qu’il est tout à fait possible et souhaitable que les animaux sains soient préservés. Possible car les effectifs concernés ont été considérablement réduits par les mesures prises jusqu’ici, et du fait des avancées dans les connaissances scientifiques, populationnelles et épidémiologiques. Souhaitable car ce « cas Bargy » constitue un apprentissage collectif de lutte contre une zoonose qui pourrait fort bien, ce que nous ne souhaitons pas bien entendu, se produire sur un autre massif. Souhaitable enfin car après avoir pris en 2018 un arrêté portant sur un maximum de 20 individus à abattre, et en avoir fait tirer 6, porter les effectifs susceptibles d’être abattus en 2019 à une centaine de bouquetins constitue une forme de provocation qui pourrait donner lieu aux mêmes réactions sociétales que lors des abattages massifs de 2014 et 2015, sans que nos organisations soient en capacité d’en limiter la portée.

Nous ajouterons ici que l’abattage d’une centaine d’individus sur le coeur de massif ne constitue en aucune manière une démarche scientifique. En effet, dans une population où plus des deux tiers des individus sont sains, selon que les agents de l’ONCFS finiraient par abattre une majorité d’individus séropositifs – ou pas – les conclusions qui en seraient tirées pour la suite des opérations et le sort de la population restante seraient entachées de biais inacceptables. Comme nous l’avons déjà déclaré lors des précédentes consultations, la vérification de la prévalence dans le coeur du massif doit selon nous être basée uniquement sur des captures à effectuer aux printemps 2018-2019, et éventuellement à l’automne.

Mise à part cette partie de la demande portant sur l’abattage d’animaux non testés, nous marquons notre accord avec les autres mesures de gestions proposées dans le projet d’arrêté. Nous proposons à nouveau ci-après quelques pistes complémentaires susceptibles d’en renforcer l’efficacité :

Porter une meilleure attention à la mise en oeuvre effective des mesures de biosécurité : comme nous l’avons observé à plusieurs reprises, les troupeaux de caprins et d’ovins sont libres de parcourir l’ensemble des alpages jusqu’aux sommets du massif, occupant ainsi les mêmes territoires que les bouquetins. Nous voyons là une prise de risque endossée par les éleveurs, alors qu’il serait au contraire nécessaire d’organiser une certaine ségrégation temporelle et spatiale des espaces alloués aux différentes espèces.

Dans le même esprit, et puisque le truchement d’un canidé a été invoqué en tant que cause de la contamination de l’exploitation bovine du Chinaillon, interdire toute divagation de chiens sur le massif et imposer a minima qu’ils soient tenus en laisse : qu’il s’agisse des chiens de randonneurs ou de familles, ou encore de ceux des chasseurs, nombreux sont les canidés parcourant sans contrainte les espaces supposés contaminés par la brucellose.

Développer les initiatives pédagogiques en vue de mieux faire connaitre les différents aspects de la vie sur le massif du Bargy. Au lieu d’opposer les différents acteurs du massif du Bargy, nous avons là un cas d’interaction homme-nature qui pourrait donner lieu à des conférences, des panneaux pédagogiques, des parcours accompagnés ou encore de nouveaux sujets de recherche (représentations sociétales, services écosystémiques, résolution des conflits d’usage…). Nous pourrions nous associer à ces initiatives.

Enfin, comme nous l’avons demandé pour le massif voisin des Aravis, réfléchir à un classement du massif du Bargy, espace remarquable de notre territoire où cohabitent des activités humaines intimement liées à la montagne et des espèces emblématiques comme le gypaète et les bouquetins. Et dans un premier temps, faire en sorte que le périmètre NATURA 2000 couvrant le massif du Bargy reprenne vie et se dote d’un plan de gestion pluriannuel dont il a bien besoin.

 La SNPN vous invite à y participer et à dire non à ce projet d’arrêté afin empêcher le massacre de cette espèce emblématique de nos montagnes, orchestré sous couvert de santé publique. Pour cela nous vous invitons à marquer votre profond désaccord en adressant un mail à l’adresse ddt-consultations-publiques@haute-savoie.gouv.fr.