Les scorpions : De bons indicateurs de la qualité de l’environnement

Processus de pariade précédant l’accouplement chez Tityus neblina, scorpion de l’Amazonie brésilienne. Le mâle tient la femelle par les pédipalpes. Photo : Wilson Lourenço

Les scorpions correspondent à un groupe relativement modeste parmi les arthropodes avec environ 2 400 espèces connues jusqu’à présent. Ces espèces, bien que relativement homogènes dans leurs caractéristiques morphologiques, correspondent en réalité à plusieurs lignées distinctes qui ont pu évoluer à des périodes géologiques nettement différentes. Néanmoins, des caractéristiques biologiques complexes apparaissent comme un point commun entre les différentes lignées observées. Ces caractéristiques particulières associées à des exigences écologiques importantes – chaque espèce étant globalement limitée à un milieu précis – font des scorpions des bons indicateurs de la santé de l’environnement. Au cours des dernières années un grand progrès dans la connaissance de ce groupe particulier a démontré leur importance en tant qu’organismes modèles pour des études environnementales. Texte et photos : Wilson Lourenço, Muséum national d’histoire naturelle, Sorbonne Universités, institut de systématique, évolution, biodiversité, UMR7205-CNRS, MNHN, UPMC, EPHE. Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 322, mai-juin 2020 Les scorpions, qui sont des arachnides, forment un groupe zoologique très ancien. Les premiers scorpions fossiles datent du Silurien (450-400 millions d’années). Ces scorpions, marins de toute évidence, ou dans tous les cas aquatiques, ont évolué vers le milieu terrestre à partir de la fin du Dévonien et au début du Carbonifère (350-325 millions d’années). Les scorpions actuels ressemblent étonnamment à leurs ancêtres du Paléozoïque. À l’exception des systèmes locomoteur et respiratoire désormais adaptés au milieu terrestre, l’organisation de leur corps a très peu changé depuis près de 400 millions d’années. Les scorpions actuels sont globalement vivipares, cependant on peut suggérer que lors de leur période marine ou aquatique certaines espèces ont pu se reproduire par un processus d’oviparité. La biologie de la reproduction est, chez les scorpions, extrêmement complexe ; et cette complexité a pu agir comme une sélection positive permettant au groupe de persister jusqu’à nos jours. En général, la plupart des espèces présentent des populations peu denses, se limitant à quelques centaines d’individus chez les cavernicoles ; leurs portées sont souvent très réduites (à l’inverse, la majorité des autres arthropodes produisent des portées nombreuses). Ces deux caractéristiques pourraient avoir un effet négatif dans l’efficacité reproductrice du groupe, mais de toute évidence cela n’est pas le cas. Si certains aspects de leur comportement reproducteur sont communs à ceux d’autres arachnides, les aspects concernant les développements embryonnaire et post-embryonnaire sont très particuliers, notamment par leurs durées, similaires à celles des vertébrés supérieurs. Le développement embryonnaire À la suite de l’accouplement, la durée du développement embryonnaire est très variable selon les différentes espèces de scorpions ; elle peut ainsi durer de 2 à 24 mois. Toutes les espèces sont vivipares, mais le degré d’échanges trophiques entre la mère et les embryons peut varier. Chez une majorité des espèces connues (dites apoïkogéniques), la nutrition des embryons s’effectue en partie par des échanges avec la mère, et est complétée par les réserves vitellines. Chez les autres espèces (dites katoïkogéniques ou à diverticule), la nutrition des embryons est entièrement assurée par des échanges trophiques avec la mère pendant toute la durée de la gestation, via un mécanisme assez semblable à celui retrouvé chez certains mammifères : l’embryon est nourri par voie orale, à l’aide d’un organe spécifique, parfois improprement appelé « tétine ». Il s’agit en réalité d’une extension du diverticule, appendice étroitement associé aux glandes digestives maternelles, d’où proviennent les éléments nutritifs destinés aux embryons. Cette structure est quelque peu analogue au cordon ombilical des mammifères. La proportion des mâles et femelles dans les populations est le plus souvent asymétrique : chez certaines espèces on trouvera un mâle pour deux, trois, voire quatre femelles. Ce nombre réduit de mâles ne diminue pas l’efficacité reproductrice des espèces, car les mâles peuvent s’accoupler à plusieurs reprises pendant leur vie active. Par ailleurs, on a observé chez les femelles de plusieurs espèces un mécanisme de stockage de spermatozoïdes, qui leur permet de produire plusieurs portées à partir d’une seule fécondation. Quelques espèces sont également capables de se reproduire par parthénogénèse, c’est-à-dire sans fécondation d’un ovule. Ce mécanisme est cependant observé uniquement dans des situations environnementales particulières, tels des milieux très pauvres et dégradés. La parturition La durée de la parturition est très variable tant au sein d’une espèce qu’entre espèces différentes ; pour une même espèce, le processus peut durer de 4 à 12 heures. Quelques heures avant le début de la parturition, la femelle s’immobilise ; elle […]

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