Les oiseaux d’eau en Méditerranée : Mesurer leur réponse au changement climatique

Une volée d’avocettes au-dessus de l’un des étangs de la Réserve naturelle nationale de Camargue. Photo : Silke Befeld

En réponse au réchauffement climatique, les oiseaux décalent leur distribution vers les pôles, mais les pressions sur leurs habitats et sur leurs populations freinent leur adaptation. Deux études récentes ont évalué les changements de distribution d’une centaine d’espèces d’oiseaux d’eau hivernant en Méditerranée sur plus de vingt ans. Les mesures de protection des milieux et des espèces semblent être cruciales pour permettre leur survie et leur adaptation. Texte : Élie Gaget, post-doctorant, université de Turku, Finlande, Thomas Galewski, chef de projet, Tour du Valat, France Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 323, juillet-août 2020 La hausse des températures est une menace grandissante pour la biodiversité. Comparativement à la période préindustrielle, la température globale a déjà augmenté de +1 °C et pourrait atteindre +2 à +5 °C à la fin du siècle. En conséquence, les espèces ont tendance à se déplacer vers des latitudes plus froides. Cependant, de nombreuses études montrent que ce déplacement s’effectue moins vite que les températures n’augmentent. Ce décalage d’ajustement à l’augmentation des températures a probablement de multiples causes, à commencer par la rapidité du réchauffement. En effet, si la plupart des espèces ont déjà survécu à des changements de température de cet ordre de grandeur pendant les cycles glaciaires, la vitesse des changements était alors environ dix fois moins rapide qu’actuellement. Problème supplémentaire, les conséquences des activités humaines ne se limitent pas au réchauffement. Le changement climatique opère dans un contexte de changements globaux où de multiples menaces anthropiques affectent les écosystèmes : perte ou modification d’habitats, surexploitation des populations, pollutions, etc. Difficile pour les espèces de s’adapter à toutes ces pressions ! Le cas des espèces de zones humides est particulièrement préoccupant. Ces écosystèmes fortement exploités ont régressé de plus de 80 % sur les 300 dernières années. Pour certaines espèces comme les oiseaux d’eau, les pressions sur l’habitat s’ajoutent à des prélèvements (chasse) plus ou moins soutenables. Quel est l’effet de l’addition de ces pressions sur les capacités d’ajustement des espèces au réchauffement climatique ? Deux études récentes se sont intéressées aux changements de distribution sur plus de vingt ans d’une centaine d’espèces d’oiseaux d’eau hivernant en Méditerranée, en fonction des changements d’habitat et des mesures de protection des espèces. Les données utilisées proviennent des comptages participatifs (cf. nº 321, p. 16 à 17 et nº 314, p. 18 à 21) dits « de la mi-janvier », réalisés par des milliers d’observateurs sous la coordination de Wetlands International, représentant ainsi un des plus grands suivis de biodiversité dans le monde. Un indice pour mesurer la réponse des oiseaux Ces deux études montrent que la dégradation des milieux naturels et l’absence de protection stricte des espèces réduit leur capacité de réponse au réchauffement climatique. Cette « réponse » a été mesurée grâce à l’indice thermique des communautés , établi à partir de la niche thermique des espèces (la température moyenne sur leur aire de distribution) et leur abondance. Toutes les espèces n’ont en effet pas la même niche thermique : le garrot à œil d’or (Bucephala clangula) hiverne par exemple dans des territoires au climat plus froid que la talève sultane (Porphyrio porphyrio). Plus un site bénéficie d’une température moyenne élevée, plus on y trouve des espèces de niche thermique « chaude ». En réponse au réchauffement climatique, une augmentation de l’indice est attendue au […]

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