Les Bieszczady : Référence européenne pour une nature sauvage et… attractive !

Paysage typique de la région des Bieszczady. Photo : Éric Dürr

Aux confins de l’Union européenne, dans les Carpates, la région des Bieszczady recèle une diversité biologique remarquable. Avec le bison d’Europe comme fleuron, la grande faune est le vecteur d’un écotourisme dynamique. Un exemple à méditer pour initier une gestion innovante de nos espaces naturels… Texte : Marc Michelot, Association Arthen Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 309, mars-avril 2018 Située aux confins de l’Union européenne, cette région de Pologne est peu connue des naturalistes français. Son nom à première vue imprononçable pour le lecteur francophone ne facilite d’ailleurs pas sa promotion ! Si elle n’a pas la réputation de la forêt naturelle, sinon primaire, de Bialowieza, elle recèle pourtant une diversité biologique tout à fait remarquable. Mais sa particularité tient surtout au fait qu’elle est une des rares régions d’Europe à présenter un écosystème quasi fonctionnel dominé par une communauté de grands mammifères presque complète. On y trouve notamment les trois espèces de grands carnivores (lynx, loups, ours) et une population véritablement sauvage de bisons d’Europe. Si l’humain est loin d’être absent, sa bonne cohabitation avec ces espèces trop souvent considérées comme « problématiques » découle en partie de facteurs historiques favorables. Les Bieszczady sont donc une véritable référence pour une nature authentique, sinon sauvage, qu’on a trop souvent tendance en France à considérer comme définitivement « exotique » ! Histoire naturelle et humaine des Bieszczady Située à l’extrême sud-est de la Pologne, la région est bordée sur son flanc sud par la Slovaquie et s’enfonce à l’est en territoire ukrainien. Partie intégrante de la chaîne des Carpates, sa partie montagneuse au relief émoussé culmine à 1 346 m au mont Ternica. L’altitude s’abaisse rapidement en allant vers le nord. Principalement composée de roches sédimentaires anciennes, la région est parcourue par un réseau hydrographique dont la rivière San, marquant la frontière avec l’Ukraine sur son cours supérieur, constitue l’élément principal. L’histoire récente des Bieszczady a eu d’importantes répercussions sur son intérêt écologique actuel. En effet, dans le prolongement de la Seconde Guerre mondiale, des affrontements violents entre différentes factions suivis d’exactions sur la population civile ont entraîné un dépeuplement très important. De 70 habitants au km², la densité de population est ainsi tombée à 10 ! De nombreux villages ont disparu et avec eux les paysans qui les habitaient. Les quelques fermes d’État qui ont été réimplantées par la suite n’ont pas reconquis le terrain « perdu ». L’activité agricole a donc laissé place en quelques années à un retour de la nature ou à une activité forestière dans un contexte foncier essentielle- ment domanial. Cette situation favorable pour une reconquête par la nature et la grande faune, ainsi que pour sa protection, a conduit les scientifiques polonais à proposer dès les années 1950 la création d’un parc national sur les secteurs les plus caractéristiques du massif. La première version du parc sera actée par l’État en 1977. Il couvre aujourd’hui 29 200 ha à la suite de plusieurs extensions dont la plus récente et la plus originale concerne la grande prairie de Tarnawa à la frontière ukrainienne. Après une longue période pendant laquelle la région est restée peu fréquentée, le Parc national est aujourd’hui le vecteur d’une nouvelle activité économique en pleine expansion fondée sur le tourisme de nature où la grande faune joue un rôle essentiel. Si le Parc national des Bieszczady constitue un outil prépondérant pour la protection du patrimoine naturel de cette entité caractéristique du nord des Carpates, il est loin d’englober l’ensemble des milieux naturels remarquables que l’on peut trouver dans la région, y compris dans les pays frontaliers. Un ensemble de territoires plus ou moins protégés (statut allant du simple parc naturel ou paysager au parc national) à cheval sur trois pays constitue une vaste réserve de biosphère couvrant pas moins de 2 132 km². Côté slovaque, le Parc national des Poloniny est un remarquable prolongement du parc polonais avec notamment la réserve intégrale de Stuzica, vieille forêt naturelle de plus de 700 ha. Une biodiversité remarquable La visite de cette région au printemps procure au voyageur naturaliste « occidental » un sentiment de (re)découverte indéniable. Tout d’abord, c’est l’harmonie naturelle du paysage où prairies, forêts et rivières s’entremêlent qui retient l’attention. Ici, pas de lisières tirées au cordeau, témoins d’un espace « naturel » à vocation économique. Quant à la forêt, elle est laissée en libre évolution sur de vastes portions (cœur des parcs polonais et slovaque). Il s’agit majoritairement de vieilles hêtraies. Plus haut, les prairies et landes subalpines offrent au regard un paysage et une flore remarquables. Le botaniste sera comblé avec plus de 700 espèces de plantes vasculaires dont quelques endémiques des Carpates comme Euphorbia carpatica ou Melampyrum saxosum, alors que près de 300 lichens ont été recensés. La faune n’est évidemment pas en reste. Au-delà des strictes endémiques telles que l’étonnante grande limace bleue (Bielzia coerulans) ou le plus discret triton des Carpates (Lissotriton montandoni), l’attention sera attirée par les espèces plus orientales telles que l’aigle pomarin (Clanga pomarina), la chouette de l’Oural (Strix uralensis) ou le pic à dos blanc (Dendrocopos leucotos) pour ce qui est des oiseaux ; par le lérotin (Dryomys nitedula) et la siciste des bouleaux (Sicista betulina) pour les mammifères. On retrouve en abondance certaines espèces autrefois bien représentées dans nos contrées occidentales. Au jeu des « belles retrouvailles », c’est probablement le râle des genêts (Crex crex) qui l’emporte ! La bonne […]

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