Le pétrel des neiges capture ses proies à la surface de l’eau en vol. Photo : Christophe Sauser

Un suivi à long terme en Terre-Adélie Issu du grec págos signifiant « glace » et dromás « courir », et du latin nivea « neigeux », le nom scientifique du pétrel des neiges (Pagodroma nivea) parle de lui-même. Cet oiseau marin s’observe en effet uniquement dans des zones de banquise et de l’inlandsis du continent Antarctique, et c’est la seule espèce de pétrel ayant un plumage entièrement blanc, comme la neige. En Terre-Adélie, dans l’archipel de Pointe-Géologie, le pétrel des neiges fait l’objet d’un suivi effectué sans interruption depuis 1963. Texte : Christophe Sauser, doctorant en écologie au Centre d’études biologiques de Chizé, et Christophe Barbraud, directeur de recherche en écologie des populations au Centre d’études biologiques de Chizé, UMR 7372 CNRS Photos : Christophe Sauser Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 318, septembre-octobre 2019 Les observations en mer suggèrent que la population mondiale de pétrels des neiges est probablement de l’ordre de plusieurs millions d’individus, même si relativement peu de colonies sont connues car de nombreux sites de reproduction potentiels n’ont jamais été visités par des ornithologistes. En effet, toute zone rocheuse accessible pendant l’été austral est susceptible d’abriter une population de pétrels des neiges. Ainsi, des sites pourraient être occupés autour ou même à l’intérieur du continent antarctique sur des nunataks (massifs montagneux sortant de l’inlandsis). Le pétrel des neiges est un oiseau exclusivement polaire qui se reproduit sur plusieurs îles relativement proches du continent Antarctique, sur les zones rocheuses du littoral, et parfois jusqu’à 400 km à l’intérieur du continent. Il établit son nid dans des cavités rocheuses à l’abri des prédateurs et des conditions météorologiques parfois sévères (température de -20 °C, vents violents de l’ordre de 200 km/h). En dehors de la saison de reproduction, les pétrels des neiges vivent en mer, autour de l’Antarctique exclusivement, dans les zones de banquise fragmentée (appelée pack ice) où ils trouvent les céphalopodes, les petits crustacés (par exemple le krill) ou les petits poissons dont ils se nourrissent. Le pétrel des neiges capture ses proies à la surface de l’eau en vol ou en s’immergeant partiellement, mais ne plonge pas. Il est très probable qu’il détecte ses proies en utilisant l’odorat en plus de la vue, car il figure parmi les espèces d’oiseaux ayant les glandes olfactives les plus volumineuses par rapport à leur taille. Oiseaux rois du monde marin Actuellement, plus de 10 000 espèces d’oiseaux ont été répertoriées dans le monde, mais seulement 305 sont des oiseaux marins, soit à peine 3 %. Cette faible proportion est imputable à différents facteurs : la diversité de niches écologiques dans le milieu marin est plus limitée que dans le milieu terrestre ; le nombre de sites disponibles pour la nidification y est également limité ; enfin, les oiseaux marins présentent d’exceptionnelles capacités de dispersion, ce qui freine les processus de spéciation par isole- ment géographique des populations. Parmi les oiseaux marins, l’ordre des procellariiformes, oiseaux caractérisés par la présence de narines tubulaires sur la partie supérieure du bec, regroupe les albatros, les pétrels, les puffins, les océanites et les puffinures ou pétrels plongeurs, soit 147 espèces. Il s’agit d’un groupe hétérogène, depuis les petits océanites pesant environ 20 g jusqu’aux grands albatros pouvant atteindre 12 kg. Ce sont les oiseaux de mer par excellence ; on les rencontre des bords du continent Antarctique jusqu’à l’extrême nord du Groenland, des atolls tropicaux les plus isolés jusqu’au voisinage des plus grandes métropoles côtières (cf. n° 313 p. 33 à 40). De taille modeste (longueur : 35 à 40 cm ; masse : 200 à 400 g ; envergure : 75 à 80 cm), le pétrel des neiges (Pagodroma nivea) appartient au groupe des fulmarinés, au sein de la famille des procellariidés qui regroupe les fulmars (Fulmarus sp.), les pétrels géants (Macronectes sp.), le pétrel antarctique (Thalassoica antarctica), le damier du Cap (Daption capense). Le pétrel des neiges diffère suffisamment de toutes les autres espèces de la famille des procellariidés pour être l’unique représentant du genre Pagodroma. Se reproduire durant l’été austral Le pétrel des neiges a été mentionné pour la première fois le 11 décembre 1772 dans le journal de bord du capitaine James Cook, célèbre explorateur du XVIIIe siècle. Le naturaliste de l’expédition Johann Georg Adam Forster lui donna alors le nom scientifique Procellaria nivea. En 1856, Charles Lucien Bonaparte crée le genre Pagodroma pour le pétrel des neiges. Ce n’est qu’en 1964 que Jean Prévost effectue en Terre-Adélie les premières descriptions de la biologie et de l’écologie de l’espèce. Il décrit notamment la période de reproduction qui se déroule pendant l’été austral, d’octobre (arrivée des adultes) à mars (émancipation des poussins). Après avoir passé l’hiver sur les blocs de glace dérivant en mer, les oiseaux adultes arrivent sur les îles en octobre, où ils cherchent un partenaire et un nid. Les pétrels des neiges sont généralement fidèles et retrouvent d’une année à l’autre le même nid et le même partenaire, puis retournent en mer pendant une quinzaine de jours afin de faire des réserves adipeuses. La période de ponte débute après cet exode préposital. Après la ponte, les parents incubent alternativement un œuf unique en se relayant tous les 6 à 7 jours en moyenne, pendant lesquels le second partenaire va se nourrir en mer et est totalement absent du nid. Après l’éclosion, début janvier, les deux partenaires continuent de se relayer au nid pour garder, nourrir et réchauffer le poussin. Après la première semaine le poussin est émancipé thermiquement et les parents enchaînent les voyages en mer en le laissant seul au nid. Le poussin atteint son poids […]

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