Le chabot du Lez : Un petit poisson endémique en danger critique d’extinction

Le chabot du Lez (Cottus petiti) est une espèce endémique au statut fragile. Photo : Arnaud Corbarieu/Aquascop

Le fleuve Lez, dans l’Hérault, abrite sur quelques kilomètres seulement un petit poisson carnivore endémique, le chabot du Lez. Cette espèce ultra-localisée pâtit de la dégradation de son habitat aquatique, causée par les activités humaines. Texte : Stéphane Lefebvre, chef du service régional Appui aux acteurs et à la mobilisation des territoires, Direction régionale Occitanie de l’Office français de la biodiversité, Vincent Sablain, chargé de mission Natura 2000, Syndicat du bassin du Lez (Syble/EPTB Lez), Arnaud Corbarieu, chef de projets Pôle environnement aquatique, bureau d’étude Aquascop Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 332, janvier-février 2022 Le chabot du Lez (Cottus petiti) est un petit poisson benthique carnivore appartenant à la super-classe des ostéichtyens (poissons osseux), de 2 à 7 cm de long, qui vit uniquement dans le fleuve éponyme de 28,5 km de long situé dans le département de l’Hérault. Son aire de répartition se limite aux cinq premiers kilomètres du Lez, en amont de la ville de Montpellier, ce qui en fait l’une des espèces de France métropolitaine dont l’aire de répartition est la plus limitée. Il appartient à la famille des Cottidae comportant quatre genres représentés en eau douce, dont Cottus qui compte une vingtaine d’espèces et de nombreuses entités locales. Les particularités anatomiques et génétiques du chabot du Lez ont conduit à valider son rang d’espèce depuis le milieu des années 1990 2 et en font l’une des six espèces de chabots du territoire français métropolitain actuellement décrites et reconnues comme telles par les taxonomistes malgré la complexité phylogénique et biogéographique non résolue des Cottidae. La France en abriterait ainsi dans ses rivières 7 à 10 espèces. Une anatomie spécifique Les chabots du genre Cottus sont des poissons anatomiquement très bien adaptés à la vie benthique. Une tête assez massive surmontée de deux yeux proéminents, une grande bouche et un corps fuselé paré de nageoires pectorales et caudale larges et puissantes, leur permettant d’attendre à l’affût et de bondir sur leurs proies. Ils sont dépourvus de vessie natatoire, ce qui leur assure une meilleure stabilité même dans des faciès où l’eau s’écoule rapidement. Le chabot du Lez est « ventripotent » et se différencie des autres espèces de chabots par sa petite taille avec un maximum de 6,5 cm, soit environ deux à trois fois moins que les autres espèces de chabots. Son corps comporte des spicules épineux sur toutes les parties dorsales et latérales, ce qui lui confère un contact rugueux. Les adultes ont une coloration jaunâtre à verdâtre avec des bandes transversales plus foncées et plus ou moins marquées selon les individus, ainsi que des tâches noirâtres sur le museau et la première nageoire dorsale qui est ourlée de crème. L’homochromie au milieu est très marquée, le même individu passant d’une coloration très claire à très foncée en quelques minutes selon la couleur du substrat qui l’entoure. Atypique et très localisé, le chabot du Lez n’en est pas moins connu des naturalistes professionnels et amateurs : ainsi, un clin d’œil lui a été fait dans le magazine La Hulotte et un court-métrage lui a été dédié. Caché dans les pierres Sa biologie est relativement bien connue depuis le début des années 2000. Dépourvu de vessie natatoire, le chabot est un piètre nageur qui vit au fond du cours d’eau, se déplace par petits bonds (saltation) et chasse à l’affût en aspirant les proies à sa portée. Il se nourrit essentiellement de petits invertébrés benthiques (crustacés, mollusques et larves d’insectes) et parfois de petits alevins. Il est surtout friand d’amphipodes, notamment des gammares (petits crustacés) qui abondent dans la partie amont du Lez. D’après les observations réalisées depuis le début des années 2000, le chabot du Lez privilégie les milieux constitués de graviers, galets et blocs non colmatés par des sédiments dont la diversité des tailles induit des anfractuosités où il peut se poster à l’affût de ses proies et s’abriter lors des phases de repos ou en cas de crues morphogènes. Il évolue essentiellement au cœur du lit principal du cours d’eau, dans les zones courantes (radiers) caractérisées par des hauteurs d’eau moyennes de l’ordre de 30 cm (rarement au-delà de 70 cm) et des vitesses de courant de l’ordre de 30 cm/s (rarement au-delà de 50 cm/s). Il se rencontre également dans des milieux caillouteux accueillant une végétation aquatique peu dense et de faible hauteur qui forme des vides de taille centimétrique. Enfin, il fréquente plus exceptionnellement les zones lentes (mouilles naturelles) non colmatées par des sédiments fins. Les chabots atteignent la maturité sexuelle dès leur première année ; leur espérance de vie est en moyenne de deux ans. Cette faible longévité contribue à expliquer leur stratégie de reproduction : celle-ci s’étend de février à juillet, avec des pontes multiples au cours des saisons et en divers sites, afin d’optimiser le taux de survie des juvéniles jusqu’à l’âge adulte. Chaque ponte comprend environ 20 à 70 ovules, que la femelle colle en grappe sur la face inférieure d’une pierre plate. C’est le mâle, territorial, qui choisit la pierre après avoir attiré la femelle en effectuant sa parade nuptiale, puis une fois les œufs fécondés qui s’occupe de ventiler, nettoyer et protéger la ponte. Il peut ainsi surveiller plusieurs pontes en même temps. L’incubation dure environ 20 à 25 jours selon la température de l’eau. Les alevins mesurent 5 mm à l’éclosion et se dispersent quelques jours après la résorption […]

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