La fiscalité forestière française défavorable à la biodiversité
Texte : Hubert de Foresta Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 330, septembre-octobre 2021
Une note [1] publiée par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) répertorie et analyse les taxes
principales portant sur les forêts (taxe sur le foncier non-bâti, impôt sur le revenu, droits de mutation à titre gratuit, droits de mutation à titre onéreux, impôt sur les plus-values immobilières, impôt sur la fortune) dans les pays européens. Il en ressort en premier lieu que les forêts françaises paraissent plus taxées que les autres forêts européennes. Cette taxation plus élevée a pour effet de diminuer la rentabilité des forêts françaises après impôts, et donc de favoriser soit la mise en place de modèles sylvicoles industriels, très productifs en bois mais très pauvres en biodiversité, soit leur conversion à un autre usage des terres.
De possibles conflits d’intérêts
Il en ressort ensuite que les règles fiscales françaises peuvent susciter pour les bois et forêts communaux des conflits d’intérêt importants. Le rapport de la FRB présente à ce sujet l’exemple théorique suivant. Une commune possédant un bois communal classé en zone N (naturelle et forestière) au Plan local d’urbanisme (PLU) voire en Espace boisé classé (EBC) peut réviser son PLU pour faire évoluer le zonage, supprimer le classement EBC et classer ce bois en zone constructible (AU). Il s’agit d’un premier conflit d’intérêt possible. Elle peut ensuite accorder un permis de construire soit à elle-même, soit à un tiers, sur ce terrain lui appartenant. Il s’agit d’un second conflit d’intérêt éventuel. En vendant ce bois communal après délivrance d’un permis de construire, la commune encaisse une plus-value immobilière qui peut être très importante, laquelle n’est pas taxée. Si le bois n’est pas soumis au régime forestier, ce qui est fréquent, l’avis de l’Office national des forêts n’est pas requis. Lorsque le bois est protégé, l’avis de l’architecte des bâtiments de France (ABF) est requis et peut être négatif, mais puisqu’il s’agit d’un avis simple, la commune peut ne pas en tenir compte. Le gain financier, exonéré d’impôt et contraire à l’intérêt général tel qu’exprimé par l’ABF se fait donc en contradiction avec l’avis de l’État. Enfin, la commune acquitte, certes, une taxe de défrichement au titre du Code forestier. Mais du fait de la construction de logements, elle bénéficiera de recettes fiscales à la fois après la construction (taxe d’aménagement) et de façon récurrente, tous les ans (taxe foncière sur le bâti, éventuellement contribution économique territoriale, taxe sur les surfaces commerciales, etc.). Elle possède donc un intérêt fiscal et financier à défricher et urbaniser un bois communal. Ainsi, certaines règles – fiscales et non-fiscales – touchant aux forêts françaises favorisent la destruction de la biodiversité et le déstockage de carbone.
Pointant du doigt à la fois l’existence en France de règles fiscales défavorables à la biodiversité forestière et la quasi-absence de règles fiscales favorisant la biodiversité forestière, cette note révèle ainsi la nécessité et l’urgence de diminuer la pression fiscale sur les forêts et d’augmenter les incitations fiscales en faveur de la biodiversité forestière, en les conditionnant à des mesures prises par les propriétaires – par exemple la limitation forte des surfaces de coupes rases d’un seul tenant, la délimitation d’îlots de forêt en libre évolution…
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