Journée de l’AGF 29 septembre 2018 « Les géographes et la nature. Nouveaux regards »

Longtemps, la nature fut ignorée ou contournée par la géographie. Quasi-absente de la géographie urbaine jusqu’aux années 1980, ramenée au rang d’aménités paysagère ou agricole par les géographies régionales et rurales, elle était fragmentée en objets disjoints par la géographie physique : géomorphologie, climatologie, hydrologie, biogéographie… Si elle revient au cœur de la discipline dans les années 1990 et 2000, ce n’est pas en tant qu’objet mais en tant qu’enjeu par le prisme de la géographie des risques et de l’environnement (Pech et Veyret, 1993 ; Veyret, 2001 ; Arnould et Simon, 2007) puis de celle du développement durable (Veyret, 2005 ; Mancebo, 2008 ; Brunel, 2007). Cristallisant d’épiques batailles au sein de la communauté des géographes, la nature sert dans les années 2010 de support à des positionnements épistémologiques – géographes aménageurs (Pitte et Brunel, 2010) versus géographes écologistes (Chartier et Rodary, 2016) –, voire politiques, sans pour autant être regardée pour et par elle-même.

 

Les dangers inhérents au réchauffement climatique, les graves atteintes à la biodiversité (Dorst et Barbault, 2012) dénoncées par l’IUCN (Union internationale pour la conservation de la nature) et les ONG (Organisation non gouvernementale) de protection de la nature annonçant une sixième et imminente extinction des espèces floristiques et faunistiques (Ceballos et al., 2017), la mondialisation culturelle, contribuent sans doute à un changement de regards des géographes sur la nature. Chaque individu, chaque espèce, chaque écosystème, chaque couple être humain-nature, tend à constituer une entité, rare, unique, menacée et examinée pour elle-même via une approche globale, territorialisée et multi culturelle. Construit social autant que biophysique (Sajaloli, 2017), la nature n’est plus tenue à distance (Arnould et Glon, 2005).

Ce sont ces nouveaux regards que les géographes portent sur la nature et sur sa place en géographie qui seront explorés lors de la Journée de l’Association de Géographes Français du 29 septembre 2018 et qui motivent cet appel à communications.

Ils peuvent relever du renouvellement des objets étudiés : ainsi, la géographie de l’animal sauvage, comme le singe (Bortolamiol et al., 2017), l’ours et le loup (Marion et Benhammou, 2015), l’oiseau (Manceron, 2015), ou l’animal domestique comme le bétail ovin ou bovin (FranceAgrimer, 2010 ; Gardin, 2013) – voire le chat ou le chien, Fumey, 2010) – est en plein essor (Festival International de Géographie, 2017 ; Annales de géographie, 2017) alors que notre discipline investit la mort animale et ses impacts spatiaux et sociétaux (Franck et Gardin, 2016). De même, la nuit (Bureau, 2005 ; Hinnewinkel, Franchomme, 2016), les ambiances et les paysages sonores (Geisler, 2013 ; Roulier, 1999), la nature sous-marine (Regnauld, 2017), les mares (Sajaloli, 2010) accèdent maintenant au rang d’objets géographiques. Ces regards inédits relèvent aussi du renouveau des outils quand, grâce à la modélisation et à la géomatique, l’approche naturaliste explore la mobilité de la nature (Clauzel et Bannwarth, 2018) et les déplacements des espèces (trame bleue, verte, noire, corridors et connectivité écologique…). Cette attention neuve sur les objets de nature s’effectue également dans un cadre de féconds échanges entre les sciences humaines, historiens (Corbin, 2018 ; Luglia, 2015), anthropologues (Descola, 2005), archéologues (Putelat, Beck, Borvon, Bridault et Guintard, 2017 ; Marinval et Bennarous, 2006), ethnologues (Kalaora, 2001) et bien sûr géographes s’associant au sein de programmes ou de structures pluridisciplinaires (Groupe d’Histoire des Forêts Françaises, Groupe d’Histoire des Zones Humides…). La nature entre également dans le champ de l’esthétique (Blanc, 2016) qui, étudiant la perception sensorielle, les jugements et les émotions provoqués par l’expérience, investit maintenant l’écologie et les formes environnementales. Cette esthétique verte tend également à transformer le regard que l’on porte sur la nature en ville qu’elle soit spontanée ou au contraire volontaire avec les replantations sous forme de murs végétalisés et de mini-jardins d’ornements ou de potagers dans les interstices, même minuscules comme le pourtour des arbres, du tissu urbain (Bourdeau-Lapage, 2017). Culturelle, la nature forge alors les identités, notamment pour nombre de peuples autochtones (les Samis, les amérindiens, les arborigènes…), et sa défense ne s’appuie alors en rien sur des fondements écologiques (biodiversité, espèces protégées…) mais sur une argumentation ethnologique et anthropologique (Glon, 2008). Consubstantielle à l’homme, la nature acquiert une dimension sacrée, religieuse (Grésillon et Sajaloli, 2016) qui est aujourd’hui en cours de réhabilitation notamment dans les pays du Nord peu ou moins marqués par la spiritualité.  Cela ouvre bien entendu le débat sur une géographie des perceptions de la nature (Manceron et Roué, 2013) et l’élaboration d’un tableau géographique des contextes éco-culturels de chaque aire civilisationnelle. Enfin, son recul même propulse la nature au statut de bien rare, convoité, d’où son irruption dans le champ de l’économie territoriale avec les notions de service écosystémiques et ou de capital vert (Aubertin, 2009 ; EFESE, 2017, 2018 ; de Perthuis et Jouvet, 2013).

Strictement géographiques ou bien associés aux autres disciplines des sciences humaines, les regards des géographes connaissent ainsi un vif renouvellement. Ce sont ces vues nouvelles, frontales ou décalées, qui sont attendues.

Date : 29 septembre 2018 : 9h30-17h30

Lieu : Grand Amphithéâtre de l’Institut de Géographie, 191, rue Saint Jacques – 75005 PARIS

PROGRAMME et résumé des communications

Cette journée s’articulera entre séances plénières et sessions thématiques : sessions 1 et 2 et sessions 3 et 4 en parallèle.

Séance plénière 9h-10h45 : Une nouvelle épistémologie géographique de la nature ?

(Nouvel amphi)

Session 1 : 11h-12h30 : De nouveaux objets géographiques de nature ? (Nouvel amphi)

Session 2 : 11h-12h30 : De nouveaux outils géographiques de nature ? (Petit amphi)

12h30-14h : Pause déjeuner

Session 3 : 14h-16h : La ville, une réinvention de la nature ? (Nouvel amphi)

Session 4 : 14h-16h : D’autres regards des sciences humaines sur la nature (Petit amphi)

Séance plénière 16h20-18h : De la nouvelle épistémologie géographique de la nature à la pédagogie de sa protection ? (Nouvel amphi)

18h : Fin des travaux