Gérer les forêts de France (partie 2)
La gestion des forêts françaises est-elle durable ? Le sera-t-elle à l’avenir ? Sur ce sujet sensible, les points de vue divergent. Afin que chacun puisse se bâtir une opinion argumentée, le Courrier de la Nature propose trois articles de fond qui, sans se vouloir exhaustifs, en brossent les principaux enjeux et donnent à lire différents éclairages. Plusieurs auteurs reconnus dans leur domaine ont accepté d’alimenter ce dossier. Ils y expriment librement leur point de vue propre, dont ils sont seuls responsables et qui peut différer de la position de la SNPN, également présentée dans ces pages. 2. L’exploitation forestière à l’heure des choix Texte : Jacques Liagre, chef du département juridique de l’Office national des forêts Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 312, septembre-octobre 2018 Ce dossier spécial comprend 3 parties. Lire la partie 1 Lire la partie 3 Depuis les plus lointaines origines de l’humanité, la forêt a servi de territoire de chasse, d’espace de cueillette, puis de réserve foncière à défricher lorsque les besoins en terres cultivables augmentèrent face à la hausse de la démographie. Mais la forêt est surtout devenue productrice de bois, ce matériau qui, des millénaires durant, a été pratiquement l’unique combustible en charge d’alimenter tant les feux domestiques que les fours artisanaux puis industriels. Le bois a aussi été un matériau incontournable pour l’outillage, l’ameublement, la construction des habitations et des navires. Même si depuis la révolution industrielle on a assisté au déferlement de matériaux nouveaux inventés au fil des avancées scientifiques et technologiques, la forêt continue d’être exploitée. L’Homme a encore et toujours besoin du bois. Et plus encore aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle, que dans les années 1950 lorsque le pétrole et ses produits dérivés étaient devenus la nouvelle manne de nos sociétés industrielles, jusqu’à faire oublier que le bois constitue quasiment « la seule pompe à carbone utilisable par l’Homme ». En effet, le bois est devenu un enjeu stratégique de première importance pour affronter les grands défis environnementaux du temps présent. Le bois pour affronter les défis environnementaux Face au dérèglement climatique, les États se doivent de réduire leur consommation d’énergies fossiles. Au-delà de son engagement qui se limitait lors de la signature du protocole de Kyoto (1997) à ne pas augmenter sa consommation d’énergies fossiles, la France a décidé (Plan EnR 2009/2020 de passer de 8,5 % d’énergies renouvelables consommées au début des années 2000 à 20 % en 2020. Nous avions déjà commencé à aller dans ce sens, il s’agissait donc d’intensifier la démarche. Ainsi la France a réduit de 10 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2013, ce qui en fait un des pays industrialisés les moins producteurs de GES (1,2 % des émissions mondiales alors que la France contribue à 4,2 % du PIB mondial . Néanmoins, il reste encore beaucoup d’efforts à fournir, et l’on sait aujourd’hui que l’objectif fixé est inatteignable sans recourir à la ressource bois . La sylviculture nous a appris qu’une exploitation sage et raisonnée des peuplements forestiers permet d’en garantir le renouvellement. On possède donc là l’énergie renouvelable rêvée. Mieux encore : le bois utilisé comme matériau de construction participe à la fois à une économie d’énergie et à la captation durable du carbone. On fait ainsi d’une pierre deux coups dans la lutte contre le dérèglement climatique. À ce stade, quatre observations nous paraissent importantes. La première concerne l’aspect foncier. Si la France occupe l’une des premières positions au sein de l’Union européenne avec plus de 16 millions d’hectares boisés, il ne faut pas pour autant croire que ces 16 millions d’hectares font tous l’objet d’une exploitation régulière. D’innombrables propriétés sont fragmentées en trop petites parcelles (moins de 4 ha) et trop enclavées pour être techniquement exploitables. En montagne, beaucoup de forêts se situent dans des zones inaccessibles (trop escarpées) ou aux sols trop instables pour être exploitées tandis que les difficultés d’exploitation rendent par ailleurs financièrement non rentables beaucoup de coupes. Enfin, entre 4 et 25 hectares, soit 30 % de la surface des forêts privées, de nombreuses propriétés forestières ne font l’objet d’aucune exploitation régulière. En effet, être propriétaire n’est pas un métier ; c’est un état. C’est pourquoi bon nombre de propriétaires se désintéressent de leurs forêts, considérant que les soucis inhérents à l’organisation et au suivi des exploitations excèdent les avantages qu’ils pourraient en tirer. Au final, quelques 3,4 millions d’hectares sont inexploités ou fort peu (dans le temps et en volume) exploités, soit 21 % de la surface forestière en métropole. La forêt se vit sur la durée La seconde observation concerne le côté émotionnel qui s’attache à la cause forestière. Nombreux sont ceux qui ressentent une réelle douleur […]
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