Étude d’impact : Contamination diffuse des néonicotinoïdes dans les habitats agricoles et effets sublétaux chez le moineau domestique
Texte : docteure Ségolène Humann-Guilleminot, Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle, CNRS, SU, EPHE, UA, Paris Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 335, novembre-décembre 2022 Parmi les nombreux pesticides appliqués dans le monde, les néonicotinoïdes sont une classe d’insecticides couramment appliqués sur tout type de cultures. Apparus au début des années 1990, ils sont devenus très populaires pour plusieurs raisons : leur usage prophylactique sous forme d’enrobage de graines, leur efficacité à faible dose sur une grande variété d’espèces de ravageurs et de cultures, leur « faible » toxicité sur les vertébrés en comparaison des insectes en sont quelques exemples. Cependant, quelques années après la mise sur le marché de l’imidaclopride, néonicotinoïde le plus utilisé et le plus toxique, des apiculteurs français inquiets de voir leurs abeilles mourir et leurs ruches péricliter à une fréquence anormalement élevée ont sonné l’alarme en incriminant l’usage de l’imidaclopride, puis de quatre autres néonicotinoïdes, comme étant responsables du syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles. En effet, les néonicotinoïdes agissent comme agoniste des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine dans le système nerveux central des insectes provoquant une stimulation nerveuse à faible concentration mais un blocage des récepteurs, une paralysie et la mort à des concentrations plus élevées. C’est ainsi que les premières mesures visant à interdire l’usage de l’imidaclopride dans les cultures fleurissantes (par exemple le tournesol et le maïs) arrivent en France en 2004. La réglementation évolue ensuite vers un moratoire Suisse et Européen en 2013, visant à limiter l’application des trois néonicotinoïdes les plus toxiques aux cultures non attractives pour les abeilles, puis vers une interdiction complète à partir de 2018 de trois, puis quatre néonicotinoïdes sur toutes les cultures extérieures (tandis que la France en a interdit cinq sur toutes les cultures, incluant celles sous serre). C’est dans le contexte du moratoire, en 2015, alors que j’effectuais mon travail de maîtrise à l’université de Neuchâtel, sous la direction du professeur Fabrice Helfenstein, que nous avons lancé un projet pour étudier la chaîne pressions – expositions – impacts des néonicotinoïdes en Suisse. Une omniprésence dans les habitats agricoles Dans un premier temps, nous avons quantifié cinq des néonicotinoïdes dans des échantillons de sol et de plantes provenant de champs cultivés et de surfaces d’intérêt écologique (par exemple des jachères florales ; aucune application de pesticides autorisée) répartis dans trois catégories de fermes sur le plateau Suisse : agriculture conventionnelle, agriculture « intégrée » […]
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