Disparition de Jean-Marie Gourreau, administrateur de la SNPN
C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que la SNPN a appris la disparition de Jean-Marie Gourreau, âgé de 79 ans, le 22 avril 2022 dernier. Jean-Marie était membre de son CA depuis de nombreuses années et s’était impliqué dans la vie de l’association et, plus globalement, dans la protection de la nature depuis de nombreuses décennies.
Il se trouve que j’ai eu la chance de côtoyer Jean-Marie depuis les années 1970, partageant la même formation de vétérinaire et le même campus professionnel, celui de l’école nationale vétérinaire à Maisons-Alfort. C’est aussi là que se trouvait le laboratoire central de recherches vétérinaires, devenu au XXIe siècle le laboratoire de santé animale de l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire pour l’alimentation, la santé et le travail). Nous y avons travaillé ensemble une trentaine d’années.
En fait, si le travail nous a effectivement permis de voir passer toutes ces années, il faut y ajouter les nombreuses autres activités de Jean-Marie, régulièrement partagées. Les thèmes et les directions étaient parfois assez éloignés de ceux classiquement associés à un vétérinaire, même chercheur. Quatre ouvrages peuvent permettre d’illustrer cette richesse et cette variété tout le long de son parcours.
J. M. Gourreau (1974) Contribution à l’étude de la faune de France : Systématique de la tribu des Scymnini (Coccinellidae), in Annales de Zoologie, Ecologie Animale, numéro hors-série, INRA, 149 rue de Grenelle, Paris, 221p, 43pl.
Ce premier ouvrage, réalisé au début de la carrière professionnelle de Jean-Marie passé à l’INRA, rappelle son intérêt et ses compétences en entomologie. Une balade naturaliste avec Jean-Marie pouvait être assez originale pour qui a plus l’habitude d’utiliser des jumelles qu’une bague « macro » pour photographier insectes et plantes hôtes. Ceci permet d’introduire un autre volet important des activités de Jean-Marie, récurrent ici, la photographie. Qu’il s’agisse de clichés naturalistes, artistiques, professionnels, la photothèque accumulée est considérable et plutôt bien classée.
- M. Gourreau (1983) Biographie dans L’étoile, Hommage à Noëlla Pontois, Alexandre Dewez éditeur, Puteaux.
Voilà un domaine moins évident où Jean-Marie était bien reconnu, celui de la danse. Au début des années 1980 il a travaillé avec un éditeur d’art à la réalisation d’un « beau livre » en hommage à Noëlla Pontois. Jean-Marie vouait une grande admiration à cette danseuse étoile de l’Opéra de Paris qui prenait alors sa retraite. Il rédigea sa biographie dans ce beau projet. Le fait est, que presque tous les soirs, pendant des années, Jean-Marie assistait à 1, voire 2 ou 3 spectacles de danse, le plus souvent à Paris, à partir desquels il rédigeait des critiques dans divers journaux et magazines. Sa collection de clichés, noir et blanc, est spectaculaire, faite avec un matériel dédié, silencieux pour ne pas gêner les artistes. Grâce à Jean-Marie, de nombreux collègues ont pu assister à des spectacles autrement presqu’inabordables. De son vivant, Jean-Marie a fait don de ses riches archives (1965-2018) à la Médiathèque du Centre National de la Danse.
- M. Gourreau (coord.) (1993) Guide de la réserve naturelle des Aiguilles Rouges. Editions Gap, La Ravoire, Savoie, 240p.
Les parents de Jean-Marie se sont rencontrés dans les Alpes, non loin de Sallanches, au sanatorium de Passy, où tous deux travaillaient. C’est là qu’il a grandi et son intérêt et sa passion pour « ses » montagnes n’ont jamais faibli, malgré un autre point d’attache sur les bords de Loire. Les couleurs du couchant sur le Mont Blanc, admirées depuis le beau chalet familial, idéalement situé, ne peuvent laisser indifférent. Ce guide très exhaustif des richesses naturelles de la proche réserve des Aiguilles Rouges est une bonne illustration de cette passion. Ceci explique également que Jean-Marie ait été membre du conseil scientifique des réserves naturelles de Haute-Savoie, comme sa présence ces deux dernières décennies dans le conseil scientifique du parc national des Ecrins ainsi que dans le conseil d’administration des parcs nationaux du Mercantour et des Ecrins.
- M. Gourreau (coord.) (2009) La fièvre catarrhale ovine. France Agricole, Paris, 185p.
Pour ne pas oublier les activités professionnelles, on peut encore citer ce dernier ouvrage, consacré à une maladie virale des ruminants, transmise par un ensemble de moucherons du genre Culicoides, famille des cératopogonidés, apparue en France en 2006 dans les Ardennes. L’origine de cette émergence n’a pas été éclaircie. Beau sujet combinant virologie, entomologie, réchauffement climatique, pratiques d’élevage. En complément on peut signaler que Jean-Marie avait pas mal exploré la dermatologie des animaux d’élevage, discipline où la photographie peut être un bon appoint, en particulier dans l’enseignement. Sa collection de clichés était assez unique et très pédagogique dans des études de diagnostic différentiel, entre des entités morbides aux conséquences sanitaires comme économiques très différentes selon la pathologie confirmée. Enfin, pendant plusieurs années Jean-Marie anima au laboratoire de santé animale la plateforme de microscopie électronique, ce qui permettait encore de faire des photographies, mais à une toute autre échelle.
L’ordre chronologique de présentation de ces 4 ouvrages ne doit pas faire oublier que ces diverses thématiques se sont côtoyées tout au long des années. La protection de la nature a certainement été un des moteurs constant de sa motivation. C’est ainsi que Jean-Marie siégeait au Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) jusqu’à récemment. Il y était entré en 2006. Il siégeait également au Conseil National pour la Chasse et la Faune Sauvage (CNCFS) depuis 2018 mais son engagement associatif était encore plus ancien. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que Jean-Marie a présidé la Société de Photographie d’Histoire Naturelle (SPHN) dont il était toujours membre, qu’il était actif au sein de la Société Française d’Etudes et de Protection des Mammifères (SFEPM) et surtout avec le Groupe d’Etudes sur l’Ecopathologie de la Faune Sauvage de Montagne (GEEFSM) ou, bien sûr, à la SNPN.
Nous présentons à Claude, sa compagne, à ses proches, ses amis, toutes nos chaleureuses pensées dans ses moments si difficiles. Au-delà de la longue maladie qui a fini par l’emporter, Jean-Marie nous laisse tellement de souvenirs à partager.
François Moutou, vice-président de la SNPN