Des poissons dans le désert

Photo : Annelies Geneyn/Unsplash

Quand l’homme répare la nature

Elizabeth Kolbert

Buchet-Chastel. La Librairie Vuibert. 2022. 303 pages. 20,90 €.

Texte : Hervé Cubizolle

Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 335, novembre-décembre 2022

On connaît la journaliste américaine Elizabeth Kolbert en France depuis la parution de la traduction française de son livre sur la 6e extinction (2015). Dans ce nouvel ouvrage, Elisabeth Kolbert relate ses rencontres avec divers scientifiques qui cherchent des solutions pour essayer de corriger les dégâts environnementaux générés par l’action humaine ou, tout au moins, pour éviter des développements plus catastrophiques, à l’horizon 2050 ou 2100. Tentatives de sauvetage d’espèces en voie de disparition, d’écosystèmes fragilisés comme la Grande barrière de corail australienne, contrôle des espèces envahissantes – carpes d’origine asiatique, crapaud buffle, etc. –, lutte contre le réchauffement climatique et toutes ses conséquences, la liste est longue !

Au fil des pages et des échanges avec les spécialistes, Elisabeth Kolbert s’interroge d’abord sur ce que peut faire la science et notamment la génétique. La technologie CRISPR qui permet le forçage génétique de synthèse et qui garantit donc la transmission des gènes modifiés peut-elle réellement apporter des solutions sans faire courir des risques inconsidérés à la biosphère ? Une bonne partie du livre s’inquiète ensuite des possibilités offertes par l’éco-ingénierie mais aussi des risques que font courir à l’humanité les méthodes envisagées pour contrer le changement climatique. Soustraire le carbone à l’atmosphère et le stocker – technologie BECCS notamment –, barrer les courants marins pour empêcher la fonte des inlandsis, disperser dans l’atmosphère et les océans diverses particules – dioxyde de soufre, carbonate de calcium, etc. –, les ingénieurs et les scientifiques, appuyés souvent par les armées, ne manquent guère d’idées pour corriger l’impact de l’action humaine. Convaincus de l’inéluctabilité de la catastrophe, ils considèrent en effet que tout doit être tenté, ce qui implique une prise de risque.

On sent toutefois la journaliste sceptique, au même titre que nombre de scientifiques ! L’instabilité climatique déclenchée par l’emprise humaine sur l’écosphère nous ramène en effet 10 000 ans en arrière, à une période où, naturellement, le climat montrait une très grande variabilité. L’auteur rappelle à juste titre – références scientifiques à l’appui – les travaux bien connus du monde scientifique de Willie Dansgaad et Hans Oeschger qui, à partir de l’analyse des bulles d’air piégées dans les glaces du Groenland, ont montré les incroyables phases de réchauffement que connut l’hémisphère Nord au cours des 100 000 dernières années avec, en particulier, une augmentation de 8,3° C en dix années seulement à l’extrême fin de la période glaciaire. Il n’en demeure pas moins qu’un retour d’une telle instabilité rendra la vie extrêmement compliquée aux 8 voire 10 milliards d’humains. Alors que faire ? Elisabeth Kolbert ne le dit pas mais on sent chez elle un certain fatalisme.

Des poissons dans le désert. Ed. Buchet-Chastel.

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