Participez à la consultation publique sur les néonicotinoïdes !

Le 1er septembre 2018 a pris effet l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes inscrite dans la loi « biodiversité » de 2016. Cette mesure a fait de la France un modèle en matière de la protection de la biodiversité pour le monde entier et un modèle imité puisque que l’Union Européenne, la Suisse, le Canada entre autres ont pris des mesures qui suivent celles de la France.

Des dérogations étaient possibles jusqu’en juillet 2020. Malgré les engagements pris, une loi a modifié cette disposition et réintroduit la possibilité de dérogations, par le biais d’arrêtés, jusqu’en 2023 en particulier pour la culture de la betterave sucrière.

La SNPN s’était associée avec la Task Force on Systemic Pesticides (groupement de 60 chercheurs internationaux de l’UICN spécialistes des pesticides systémiques), pour écrire une lettre d’alerte à l’ensemble des parlementaires lors du projet de loi de dérogation de l’utilisation des néonicotinoïdes. Cette initiative prenait la suite de plusieurs autres.

Depuis le 4 janvier 2021 un projet d’arrêté est soumis à la consultation du publique, cette consultation étant obligatoire avant la signature ministérielle et la promulgation de l’arrêté. Elle sera close le 25 janvier.

 

La SNPN vous incite à participer à cette consultation.

 

Un point sur la situation

La confédération des planteurs de betteraves reconnait que les solutions réglementaires alternatives aux néonicotinoïdes fonctionnent avec une pression normale, mais ne sont pas assez efficaces lors d’infestations exceptionnelles comme en 2020(1), infestations liées aux conditions météorologiques de l’hiver et du printemps 2020. De tels aléas sont connus et doivent être intégrés dans les pratiques culturales. L’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes en 2018 n’était pas lié à une condition climatique suspensive. Qui peut dire en janvier 2021 la météorologie que connaitront nos régions aux hiver-printemps-été 2021 ? La note de l’INRAE jointe à la consultation indique clairement qu’on ne peut rien prédire de fiable.

Contrairement à toutes les préconisations culturales, les néonicotinoïdes sont utilisés préventivement, ce qui favorise l’apparition de résistances chez les espèces cibles. L’excès de l’utilisation des pesticides a déjà amené la résistance de 100% des populations de pucerons en France aux pyréthrinoïdes depuis 2018 et déjà de près de la moitié des populations aux carbamates ! Quelles solutions d’avenir préparent de tels usages des pesticides ?

En fin de récolte, en octobre 2020 la baisse des rendements est estimée au niveau national à 15% par rapport à 2019(2) et annoncé comme un rendement proche de celui de 2001. Mais il faut savoir que le rendement des betteraves a augmenté de 35% nationalement en 25 ans (1990-2013) et est presque le double de celui des années 1960 ! De plus une telle baisse n’est pas inédite et est également très fortement liée au déficit de pluie. À titre d’exemple, entre 2017 et 2018, les rendements ont diminué de 13,5% non pas à cause des pucerons mais du fait de la sécheresse. Les écarts territoriaux sont importants cette année, par exemple les rendements ont été excellents en Seine-Maritime, avec une météorologie moins défavorable, malgré la présence de jaunisse et l’interdiction des néonicotinoïdes.

Toutes les grandes cultures, à l’exception de la pomme de terre, ont connues des baisses de rendement en 2020(2) : ainsi par rapport à 2019, les baisses de rendement sont de 30,7% pour les protéagineux, 24,7% pour l’orge, 8,8% pour le soja, 7,6% pour le colza, 3,6% pour le maïs-grain… La situation de la betterave industrielle n’est donc pas unique, ni la plus défavorable, ni exceptionnelle. Elle ne justifie donc en aucune façon cette dérogation.

Raisonner en baisse de volume national est un leurre : les surfaces emblavées sont variables d’une année à l’autre et la fermeture de deux sucreries début 2020 y participe, ainsi que le prix d’achat trop bas par les industriels de la production qui a détourné certains agriculteurs (non tenus par des contrats) de la culture de betteraves cette année. Les surfaces plantées ont donc diminué de 5,4% en 2020 par rapport à l’année précédente ou de 13,3% par rapport à 2018… ce qui représente une part évidente de la baisse de production constatée.

La France est dans le duo de tête des producteurs mondiaux de betteraves industrielles : il n’est pas question de souveraineté alimentaire dans ce cas, mais de commerce mondialisé(3), dans un cadre de surproduction chronique de sucre et de cours à forte volatilité, de suppression des quotas européens, de stratégies industrielles mais aussi d’une baisse de consommation de sucre importante en 2019. La complexité du marché mondial (où les fonds de pensions spéculateurs ne sont pas absents) n’a pas empêché une hausse de 22% du prix de sucre (cours de Londres au 23/11/2020) depuis 1 an !

 

Ce que pense la SNPN

La SNPN ne pense pas que l’autorisation de l’usage de pesticides aussi nocifs pour l’environnement que les néonicotinoïdes, substances bien plus actives que le DDT et persistantes trop durablement dans le sol, dont certains métabolites sont encore plus toxiques que la molécule initiale, soit le bon levier pour soutenir la filière et accompagner ses nécessaires mutations. Dans un contexte où le déclin de la biodiversité et en particulier des insectes et autres invertébrés est plus qu’alarmant, cette initiative ne va assurément pas dans le bon sens, en plus d’avoir envoyé un signal déplorable.

 

[1] https://www.reussir.fr/grandes-cultures/une-infestation-inedite-de-pucerons-verts-sur-betterave

[2] Agreste Conjoncture, octobre 2020:  https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/IraGcu20144/2020_144inforapgdescultures.pdf

[3] Voir par exemple : https://olivierfrey.com/agridata-n10-la-production-et-la-commercialisation-de-sucre-dans-le-monde/