Campagnes d’abattages : Les bouquetins du Bargy sur une ligne de crête

Le bouquetin des Alpes (Capra ibex) est une espèce protégée en France selon l’article 2 de l’Arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Photo : Jean-Marie Gourreau

Texte : Jean-Pierre Crouzat, administrateur de FNE Haute-Savoie et Auvergne-Rhône-Alpes François Moutou, administrateur de la SNPN Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 335, novembre-décembre 2022 Dans le massif du Bargy, 61 bouquetins des Alpes (Capra ibex) ont été abattus en octobre 2022 à la suite d’un arrêté préfectoral. Il s’agit du nouvel épisode d’une longue affaire, dans laquelle la gestion du risque de brucellose dans les élevages s’effectue au détriment d’une espèce sauvage protégée. Contrefort des Alpes, la chaîne du Bargy est un massif des Préalpes calcaires culminant à 2 438 m, proche de la station du Grand-Bornand et de la commune Le Reposoir. Entre les deux communes, la route du col de la Colombière est bien connue des coureurs du Tour de France. Une quinzaine de bouquetins y ont été réintroduits dans les années 1970, ainsi que le gypaète barbu (Gypaetus barbatus) en 1987. Dans la mesure où le bouquetin des Alpes constitue une espèce protégée, non chassable, et que le massif du Bargy n’a pas été constitué en réserve, la population du Bargy était très mal connue au début des années 2010. C’est alors que, fin 2011, deux adolescents ayant consommé du fromage frais au lait cru ont été identifiés comme porteurs d’une infection par la brucellose, maladie bactérienne sérieuse mais soignable par antibiothérapie. La bactérie, Brucella melitensis dans ce cas, forme plutôt associée aux chèvres et aux moutons, leur avait été transmise par le lait provenant d’une exploitation du Grand-Bornand, dont les 30 vaches avaient dû être abattues. Dans la nature et en élevage, de nombreuses espèces de mammifères, domestiques comme sauvages, peuvent contracter les différentes espèces bactériennes responsables de la brucellose – cerfs, chevreuils, sangliers et chamois, mais aussi chiens, moutons, chèvres et tous les bovins –. Pourtant, à l’époque, l’origine de cette infection avait été attribuée aux seuls bouquetins du Bargy, sans toutefois que le mode de transmission aux bovins n’ait jamais pu être identifié (on admet cependant que ce sont bien les animaux d’élevage, probablement les moutons ou les chèvres, qui ont initialement contaminé la faune sauvage, avant l’éradication de la maladie dans les élevages de la vallée au tournant du XXIe siècle). Le lourd tribut des bouquetins du Bargy En réponse à cette situation, le gouvernement a donc pris la décision de faire abattre massivement des bouquetins. Sur une population initiale estimée a posteriori, pour l’année 2012, à environ 600 individus, 528 bouquetins ont été depuis éliminés, 398 par des abattages indiscriminés et 130 par euthanasie après capture et contrôle de leur séropositivité à la brucellose. En 2020, l’Office français de la biodiversité (OFB) estimait la population à environ 370 individus adultes, desquels il faut maintenant retrancher 61 abattus en octobre 2022, soit une population actuelle d’environ 300 bouquetins. Sur un massif qui a pu en accueillir le double, la natalité a permis un maintien de […]

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