Association : Arthropologia agit en faveur des pollinisateurs

Prairie naturelle en bord de route en Auvergne. La flore indigène est adaptée à la morphologie et aux besoins alimentaires des pollinisateurs locaux, contrairement aux plantes exotiques. Les plantes horticoles sont quant à elles des variétés sélectionnées pour leur qualité esthétique et souvent modifiées (nombre de pétales augmenté, couleurs criantes...). Pollen et nectar sont alors inaccessibles aux pollinisateurs, ou même absents. Photo : Charlotte Visage/Arthropologia
Texte : Charlotte Visage, adjointe de direction, Arthropologia

Hugues Mouret, directeur scientifique, Arthropologia

Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 326, janvier-février 2021

La pollinisation est un préalable incontournable à la fécondation croisée chez les plantes à fleurs ; et environ 90 % des espèces de plantes à fleurs sont pollinisées par des insectes. Or, les insectes pollinisateurs, comme l’ensemble de la biodiversité, subissent un effondrement sans précédent. Ainsi, le service de pollinisation, indispensable au bon fonctionnement des milieux naturels, est désormais menacé. Les conséquences sur les milieux naturels sont déjà mesurables, avec un léger repli de la flore entomophile (c’est-à-dire des espèces dont la dispersion du pollen est principalement assurée par les insectes) au profit de la flore anémophile (espèces dont le pollen est principalement dispersé par le vent). [1] En outre, 75 % de la diversité de l’alimentation humaine dépend de la pollinisation par les insectes. [2]

Des actions efficaces et d’envergure doivent être déployées au plus vite. Mais il ne s’agit pas une nouvelle fois de proposer d’innovantes solutions techniques, technologiques ou gourmandes en matériaux et/ou main d’œuvre. De nombreuses réponses efficaces sont simples et évidentes, basées sur des fonctionnements naturels : des solutions fondées sur la nature. L’association Arthropologia œuvre pour une meilleure prise en compte de ces solutions et de la biodiversité dans les politiques d’aménagement et de gestion des espaces naturels.

Arthropologia

Créée en 2001, Arthropologia est une association naturaliste qui mène des actions concrètes en faveur de la biodiversité, en particulier des insectes, des plantes et des milieux de vie. Ses missions principales sont le conseil et l’expertise naturaliste auprès de collectivités ou d’entreprises, la sensibilisation à l’environnement d’un public large, la formation de professionnels et d’étudiants et l’organisation de la vie associative autour d’une communauté de bénévoles impliqués. Pour mettre en œuvre ces actions, le conseil d’administration et l’équipe de salariés tissent de nombreuses collaborations avec des acteurs environnementaux de la région Auvergne-Rhône-Alpes, des partenaires scientifiques, des partenaires financiers et une communauté de bénévoles.

Pour en savoir plus sur l’association et retrouver l’ensemble des outils, des vidéos et des interventions : www.arthropologia.org

Ce bourdon jaune (Bombus lucorum) se délecte du nectar d’une fleur de verge d’or (Solidago virgaurea). Près de 1 000 espèces d’abeilles sont connues en France, mais l’ordre des hyménoptères compte bien d’autres pollinisateurs, comme les guêpes ou les sphégiens. Photo :

Des outils pour tous les publics

Dans ce but, Arthropologia propose des outils de sensibilisation à la préservation des abeilles sauvages et des autres insectes pollinisateurs, à destination de différents publics : des guides de découverte des abeilles, un guide de gestion écologique en faveur de la biodiversité en milieux urbanisés, des fiches techniques pour réaliser différents aménagements favorables aux pollinisateurs.

Elle a également finalisé en novembre 2020 l’outil Diag’Pollinisateurs, qui permet aux gestionnaires d’espaces verts et de voiries, aux paysagistes ou encore aux urbanistes d’évaluer de manière autonome la qualité d’un site pour les pollinisateurs. Le diagnostic porte à la fois sur les ressources florales (qualité, répartition sur l’année, diversité…) et sur la qualité du milieu pour la nidification des pollinisateurs. La grille comprend différents items qui confèrent un score global au site : zones d’alimentation, habitats de nidification, présence de pesticides et information et sensibilisation. L’outil formule ensuite différentes préconisations pour améliorer ce score et donc le potentiel d’accueil des pollinisateurs sur le site. L’objectif est également pédagogique : cet outil permet aux utilisateurs de porter un autre regard sur leurs espaces verts et mieux prendre en considération les besoins des pollinisateurs dans la conception ou la gestion de ces espaces.

Inspiré du diagnostic états-unien créé par la Xerces society for invertebrate conservation [3], Diag’Pollinisateurs a été adapté au territoire français. Pour cela, l’association a renseigné la faune et la flore métropolitaines dans le système de notation, tout en le rendant conforme aux réglementations nationales et européennes. Plusieurs villes comme Lyon et Besançon ont déjà testé l’outil. Pour utiliser cette première version destinée aux professionnels des espaces verts, il est nécessaire de savoir distinguer la flore indigène de la flore exotique et horticole, informations indispensables pour remplir correctement la grille du questionnaire. L’association développe actuellement des déclinai- sons de l’outil à l’intention du grand public et des scolaires.

Conférences et formations

Arthropologia intervient également directement auprès de professionnels (agriculteurs, conseillers, agents des espaces verts, enseignants, étudiants…). Lors du premier confinement, l’association a produit une série de courtes vidéos intitulée « Du vivant dans les champs » auxquelles participent plusieurs agriculteurs et chercheurs. Destinées au monde agricole et plus largement aux gestionnaires d’espace de nature et aux jardiniers, elles abordent la mosaïque d’habitats, les prédateurs et parasitoïdes, les pollinisateurs, les recycleurs et les aménagements favorables aux auxiliaires.

La diffusion de la connaissance passe également par les colloques et séminaires techniques ou scientifiques. Arthropologia a ainsi organisé en septembre 2019 les 2e assises nationales des insectes pollinisateurs, qui ont réuni 250 professionnels durant deux jours à Lyon. En novembre 2020, une journée technique sur les pollinisateurs en milieux urbanisés organisée avec le groupement de recherche Pollineco a permis à 150 chercheurs et représentants de collectivités d’échanger en visio-conférences (en raison du contexte sanitaire). Plus récemment, le 25 novembre, l’association est intervenue pour présenter la diversité des pollinisateurs lors du séminaire « Les pollinisateurs, de la connaissance à la gestion », organisé par les Réserves naturelles de France.

Gazé (Aporia crataegi) sur une inflorescence de trèfle des prés (Trifolium pratense). Photo : Hugues Mouret/Arthropologia

Comment favoriser la présence de pollinisateurs ?

Arthropologia préconise plusieurs mesures. Il s’agit tout d’abord de rétablir le gîte et le couvert pour les butineurs en rendant les espaces de nature fonctionnels et connectés les uns aux autres. Pour cela, il faut renaturer, végétaliser, planter ou encore laisser pousser les espèces indigènes et locales. La restitution d’une mosaïque de milieux (habitats et micro-habitats) fournit un large panel de ressources (alimentation, nidification, refuge) à une multitude d’organismes. Il faut ensuite faire confiance à la nature ! Dans les zones ouvertes, comme les prairies ou pelouses, laisser la banque de graines du sol s’exprimer naturellement : les plantes germent, puis les fleurs montent et grainent. La fauche tardive en plusieurs étapes, avec export des produits de fauche, permet de conserver des ressources pour les pollinisateurs. Dans les zones en friches ou en reboisement spontané (haies, bosquets), la meilleure solution est de laisser la colonisation végétale s’opérer naturellement : le milieu se referme, se stabilise et n’a besoin d’aucune intervention. En lisière (milieu intermédiaire), l’ourlet herbacé devrait être géré comme une zone prairiale, c’est-à-dire fauché tardivement.

 


Références

  1. Biesmeijer J.C., Roberts S.P.M., Reemer M., et al. 2006. Parallel Declines in Pollinators and Insect- Pollinated Plants in Britain and the Netherlands. Science Vol. 313 Iss. 5785, p. 351-354.
  2. IPBES. 2016. Summary for policymakers of the assessment report of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services on pollinators, pollination and food production. Secretariat of the Intergovernmental Science- Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. 36 pp.
  3. Habitat assessment guide for pollinators in yards, gardens, and parks. 2019. Xerces society for invertebrate conservation. 12 pp.

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