Amazonie
L’esprit des peuples du Xingu
Sue et Patrick Cunningham
Delachaux et Niestlé. 2020. 228 pages. 29,90 €.
Texte : Hervé Cubizolle Texte publié initialement dans Le Courrier de la Nature n° 332, janvier-février 2022
Voici un bien bel ouvrage sur l’Amazonie que nous proposent les éditions Delachaux et Niestlé ! Certes, la bibliographie sur le sujet est pléthorique et l’on pourrait se demander quel est l’intérêt de sortir un énième ouvrage sur le sujet. On aurait tort ! La lecture de l’ouvrage de Sue et Patrick Cunningham est enrichissante et ce à plus d’un titre. L’originalité du livre est de se concentrer sur un secteur de l’Amazonie, le bassin du fleuve Xingu, un affluent de la rive droite de l’Amazone. Les auteurs relatent leur expédition d’amont en aval du fleuve à travers les États du Mato Grosso et du Pará, au cœur du Brésil. Ce livre est un ouvrage militant, en faveur de la protection de la forêt amazonienne mais surtout pour la défense des droits des Amérindiens à conserver leur culture et à choisir leur développement socio-économique. Sur les 510 00 km² que couvre le bassin du Xingu – soit presque la superficie de la France ! – on compte pas moins de 25 réserves indigènes accueillant un grand nombre de peuples : Kuikuro, Kayabis, Kayapos, Arara, Kuruaia, Xipaya… Ce beau livre est aussi un livre de photographies. La plupart sont en en grand format, 26 cm par 31 cm, voire en très grand format puisque certaines couvrent une double page. Cette iconographie est à la fois esthétique et informative. Le contenu est très riche puisque dix thématiques sont abordées, allant de l’histoire de la colonisation de l’Amazonie par les Européens aux conséquences des interactions entre Amérindiens et monde moderne, en passant par la vie des communautés avec leurs cérémonies, leurs célébrations. Un autre atout de l’ouvrage est son refus du pessimisme. Le message est clair : certes, ces populations ont terriblement souffert, et souffrent encore pour certaines, de la confrontation avec le monde moderne. Mais elles montrent également de stupéfiantes capacités d’adaptation, parvenant à des compromis, voire des fusions, entre les approches traditionnelles et modernes de la vie quotidienne. Le temps est heureusement révolu où l’on percevait les peuples Amérindiens seulement comme un patrimoine qu’il fallait absolument préserver en le cantonnant dans des isolats forestiers et en empêchant tout contact avec les Européens. C’est alors en Europe ou aux États-Unis que l’on décidait de leur sort, via notamment l’action des ONG et de quelques scientifiques. Or, les cultures sont vivantes ; elles évoluent en permanence car elles doivent s’adapter aux changements environnementaux, démographiques, économiques, politiques, culturels. Celles des Amérindiens du bassin du Xingu ne font pas exception et elles semblent trouver peu à peu leur place dans la société brésilienne en faisant des choix qui sont les leurs et pas ceux imposés par l’Occident. Il n’en demeure pas moins que de nombreux défis attendent les sociétés Amérindiennes du bassin du Xingu. La politique résolument raciste et anti-écologiste de l’actuel président Jair Bolsonaro et de son gouvernement n’en est pas un des moindres. C’est pourquoi l’Amazonie et ses peuples ont encore besoin de la mobilisation de l’opinion publique occidentale et d’opération de communication comme celle qu’a constitué cette descente du fleuve Xingu. Mais l’objectif est bien d’aider les Amérindiens à imposer leur conception du développement de la forêt et non pas d’imposer la vision occidentale de la gestion de l’Amazonie.