Le Courrier de la Nature n°318 septembre-octobre 2019

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En écologie, quel est l’âge de raison ?

La réaction de certains députés lors de la venue de la jeune Greta Thunberg (16 ans) dans les locaux de l’Assemblée nationale à Paris le 23 juin 2019 n’est pas passée inaperçue. Savoir que quelques-uns ont préféré “bouder” son intervention laisse un peu perplexe. Les membres de cette assemblée sont bien probablement dans les classes d’âge correspondant à celles des parents, voire des grands-parents de la jeune suédoise. On peut en déduire que le futur de la génération des lycéens et collégiens d’aujourd’hui se projette plus loin que celui de ces mêmes honorables parlementaires, surtout si leur horizon est bloqué aux prochaines échéances électorales. Cela change quand même pas mal le futur en question.

Or depuis quelques décennies, malgré les rapports successifs du Griec, de l’IPBES et d’autres groupes de travail affiliés ou non à l’ONU, il ne semble pas que les dirigeants de notre planète aient encore pris la mesure des enjeux. On comprend alors que les demandes de ceux qui ont moins de 20 ans, à tous ceux qui en ont le double et au-delà commencent à devenir de plus en pus pressantes. Quelle planète vont-ils recevoir en héritage?

Lors d’une succession, refuser un héritage jugé “toxique” est possible. Ici ce sera plus difficile. Pour illustrer, on peut d’ailleurs prendre le mot “toxique” au sens littéral du terme. On sait aussi qu’environ un million d’espèces animales en végétales sont menacées d’extinction prochaine et qu’à l’horizon 2070, il n’existera peut-être plus aucune population viable de mammifère ou d’oiseaux de plus de 10 kg à l’état sauvage dans la zone intertropicale. En ajoutant l’urgence climatique qui chapeaute le tout, on comprend qu’il existe bien quelques raisons d’interpeler les gouvernants. Qu’ont-ils fait?

Peut-on alors se tourner vers Machiavel présent dans une récente anthologie? Les trois manières classiques de gouverner seraient par les lois, par la force et par la ruse. Aux citoyens le respect des lois, au prince l’usage de la force ou de la ruse. Le choix pour le prince se situerait entre despotisme, cynisme, idéalisme (ni l’un ni l’autre) et réalisme (les deux). On peut constater que la morale ne figure pas dans ce schéma. L’écologie non plus. Au XXIe siècle, il faut vraiment changer de référentiel.

François Moutou, vice-président de la SNPN.


Dans les actualités :

Pourquoi les jardins privés sont-ils si peu favorables à la biodiversité? Une étude s’est penchée sur l’impact des critères esthétiques sur leur gestion. Mais il n’y a pas qu’à nos pieds que la biodiversité est négligée: un séminaire dédié aux écosystèmes d’outre-mer a mis en avant le peu de connaissances que l’on en avait. Heureusement, certaines actualités sont positives. Ainsi l’association Indre Nature a pu obtenir l’annulation d’un arrêté prolongeant la période autorisée pour le déterrage des blaireaux. Quelques mois après le retrait du Japon de la CBI,  la pêche à la baleine dans les eaux japonaises a fortement régressé, signe d’un changement des mentalités. Autre bonne nouvelle, pour le vision d’Europe cette fois, qui fait l’objet d’un plan de conservation et d’une politique d’élevage. Il reste toutefois au ministère de la Transition écologique et solidaire bien des travaux à entreprendre pour respecter les engagements pris avec des associations de protection de la nature. Lesquelles, en attendant, se mobilisent et présentent la nature au public, comme lors du Festival Chapitre Nature.

 

Vie de la SNPN


Dossier : Le pétrel des neiges Un suivi à long terme en Terre-Adélie Par Christophe Sauser et Christophe Barbraud

Issu du grec pagos signifiant “glace” et dromas “courir”, et du latin nivae “neigeux”, le nom scientifique du pétrel des neiges (Pagodroma nivae) parle de lui-même. Cet oiseau marin s’observe en effet uniquement dans des zones de banquise et de l’inlandsis du continent Antarctique, et c’est la seule espèce de pétrel ayant un plumage entièrement blanc, comme la neige. En Terre-Adélie, dans l’archipel de Pointe-Géologie, le pétrel des neiges fait l’objet d’un suivi effectué sans interruption depuis 1963.


Dossier : “Reensauvager” la nature? L’exemple des Pays-Bas Par François Moutou

De grands herbivores peuplaient autrefois les forêts européennes. Faut-il les y réintroduire lorsqu’ils en ont disparu? Si oui, comment? Des tentatives ont lieu dans divers pays, notamment aux Pays-Bas, où un récent voyage d’étude a permis de découvrir et comparer es approches mises en oeuvre par cinq réserves différentes.


Point de vue : Des cochongliers par milliers Qui est le responsable de leur pullulation? Par Pierre Jouventin


L’art et la nature Selon Laurence Lehel et Jules Michelet


A lire 

Description

Le numéro de septembre-octobre 2019 du Courrier de la Nature vous fera voyager jusqu’en Antarctique à la découverte des pétrels des neiges, puis remonter au Nord avec la visite de plusieurs réserves des Pays-Bas, où sont essayées plusieurs méthodes afin de concilier humain et nature. Cette conciliation semble encore faire défaut en France métropolitaine, selon le point de vue consacré aux “cochongliers”. L’actualité fait état de nombreuses mesures en faveur de la biodiversité… toujours en discussion au ministère, sans avancement visible selon les associations.

Des programmes permettent timidement de tenter de sauver les visons d’Europe, et les associations se mobilisent pour protéger les blaireaux. Nos actualités se penchent également sur l’état des baleines au Japon, de la biodiversité outre-mer, et sur la perception esthétique des jardins… tout un programme !
Retrouvez également nos habituels conseils de lecture, après une plongée dans le monde artistique inspiré par les insectes et leurs formes innombrables.