Le Courrier de la Nature n°310 mai-juin 2018
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Consternant
Une campagne d’affiches a récemment dénoncé le harcèlement sexuel dans les transports en commun d’Île-de-France. Elle met en scène un loup, un ours brun et un grand requin blanc à l’allure menaçante, prêts à fondre sur une femme. Si le harcèlement sexuel est évidemment condamnable, ces mises en scène fondées sur une représentation anthropomorphique des prédateurs présents dans la nature ratent leur objectif en prêtant à ces animaux des intentions qui relèvent du comportement humain.
Cette campagne injuste repose sur des stéréotypes datés ! Elle relève de la désinformation à l’heure où il est plus important que jamais de se réconcilier avec une nature que notre expansionnisme sans limites refoule et dégrade chaque jour un peu plus. Utiliser requin, ours ou loup comme représentation métaphorique d’êtres humains, c’est entretenir des peurs non fondées mais fortement inscrites dans l’imaginaire collectif. Ces représentations véhiculent une fausse image des trois espèces concernées, dont les populations sont souvent fragilisées ou menacées. Aujourd’hui, le requin est victime de la surpêche, l’ours et le loup voient leur territoire se réduire drastiquement, alors qu’ils constituent des éléments remarquables de notre patrimoine naturel et jouent un rôle important dans les réseaux trophiques des écosystèmes.
Cette campagne manque sa cible ! Elle révèle le manque de culture scientifique de ses instigateurs et provoque le rejet de ceux qui savent qu’il est dépassé et inopérant de vouloir utiliser l’animal pour médiatiser des comportements humains inacceptables. Utiliser une représentation animale pour attirer notre attention sur le harcèlement sexuel exercé par des hommes dans les transports en commun franciliens est une façon de se dégager de ses responsabilités en tant qu’humain. Pareilles campagnes au Royaume-Uni, au Canada ou aux États-Unis ne font pas appel à la métaphore animale pour aborder ce sujet, mais font figurer des êtres humains.
Ces images faussent notre rapport à la nature. Je suggère qu’une prochaine campagne – dénonçant, cette fois, les atteintes faites à la faune sauvage – inverse les rôles : que l’homme soit représenté en prédateur – ce qu’il peut être, et que ce soit au tour de ces animaux d’être au premier plan de l’affiche, exprimant les douleurs et les souffrances que leur inflige trop souvent l’espèce humaine.
Marie-Odile Grandchamp, administratrice de la SNPN
Courrier des lecteurs
Dans les actualités :
L’indicateur de qualité écologique propose aux gestionnaires d’espaces naturels un nouvel outil pour évaluer le potentiel écologique d’un site. Un préalable utile avant la mise en place de mesures de restauration, comme celles du Plan national d’actions en faveur de l’apron du Rhône, qui établit aujourd’hui son bilan. Autre exemple d’actions, celles menées avec la participation du grand public à la faveur de l’opération Fréquence Grenouille. Les spécialistes posent toutefois la question : en matière de restauration, faut-il agir ou laisser faire ? Et parce que l’on protège mieux ce que l’on nomme bien, la systématique fait également l’objet de débats. Enfin, l’on reviendra sur l’histoire du cinéma animalier en France, un autre vecteur de sensibilisation du public.
Vie de la SNPN
– Zones humides. Coopération internationale et objectifs ambitieux
– RN du lac de Grand-Lieu
– RNN de Camargue
– L’euphorbe épurge. Une mamelle purgative aux vertus multiples, par Gérard Guillot, professeur retraité de sciences de la vie et de la Terre
Dans notre flore, un bon nombre d’espèces en apparence indigènes ont été artificiellement introduites hors de leur aire originale parfois lointaine au cours des derniers siècles ou millénaires :
on parle d’archéophytes, des plantes plus ou moins dépendantes des humains et de leurs activités, et donc souvent chargées d’une longue histoire de cohabitation et d’usages divers. L’euphorbe épurge (Euphorbia lathyris, encore appelée simplement épurge, herbe-aux-taupes, tithymale ou bien catapuce) en est un très bel exemple.
– La forêt d’Ambodiriana. Des ONG coopèrent pour protéger une forêt tropicale humide à Madagascar, par Jean-Michel Hervouet, Président de la Société française d’orchidophilie (SFO)
et vice-président de l’Association des amis de la forêt d’Ambodiriana à Manompana (ADAFAM), et Chantal Misandeau, Présidente de l’ADAFAM.
Il était une fois sur la côte est de Madagascar un lieu protégé, d’après une légende, par trois sirènes habitant chacune une cascade : la forêt d’Ambodiriana. Hélas, selon la coutume des Betsimisaraka du proche village de Manompana, « le bois est à celui qui le coupe, la terre est à celui qui la défriche ». Témoin des destructions, un groupe de Réunionnais décide de protéger l’une des dernières forêts humides de basse altitude de la région, rejoint par la Société française d’orchidophilie puis par les associations Rainforest Trusta et Feralisb. Combat écologique aussi bien qu’aventure humaine, cette histoire débutée en 1996, malgré les difficultés, continue de plus belle.
Montagne d’Or. Un projet minier qui menace la Guyane, par Nyls de Pracontal, administrateur de la SNPN, et François Jeanne, Directeur du Groupe d’étude et de protection des oiseaux en
Guyane (GEPOG)
La nature dans l’œuvre de… Roland Sig
Bibliographie
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