Courrier de la Nature n°333 mars-avril 2022

8.00 

Illusions printanières

Au printemps fleurissent les stratégies, mais mieux vaut admirer les jonquilles… À la mi-mars 2022, plusieurs stratégies nationales ont été publiées par le gouvernement, en urgence à l’approche des élections, dont la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB 3 2020-2030, cf. p. 11) et le 4e plan national pour les milieux humides (4e PNMH 2022-2026).

La SNPN a joué pleinement le jeu de l’élaboration annoncée comme inclusive de ces stratégies. Elle est l’association nationale de protection de la nature qui s’est le plus investie dans les groupes de travail mis en place par le ministère et l’Office français de la biodiversité, en plus de sa participation à diverses instances nationales. Elle a fait de très nombreuses propositions, constructives et réalistes. Elle s’est opposée en séance à tous ceux qui voulaient réduire les ambitions de ces stratégies, édulcorer ou dénaturer les mesures, voire se servir de ces stratégies pour augmenter les pressions sur la nature. Comme par exemple ce haut-fonctionnaire qui voulait autoriser les activités sportives dans toutes les aires naturelles protégées en « protection forte » au motif que les restrictions « spolient les humains » (sic). Avec seulement 1,5 % du territoire métropolitain en « protection forte », on se demande bien qui prend toute la place !

Certaines de nos propositions ont été prises en compte, mais avec un résultat cosmétique. Car la seule question qui vaille d’être examinée est la suivante : ces stratégies sont-elles en mesure, à leur échéance, d’enrayer la dynamique pluriséculaire et systémique de dégradation de la nature, qui continue à s’accélérer (cf. p. 41 à 45) ? Permettront-elles par exemple de sauvegarder et de rétablir le ganga cata et la grande nacre (cf. p. 26 à 32 et 33 à 40) ? À la SNPN nous ne le pensons pas. Par manque d’ambition, par manque de moyens, par manque de portage politique interministériel et intersectoriel, et surtout par la complaisance accordée à des lobbies de toute nature qui s’efforcent de maximiser leurs intérêts corporatistes au détriment de l’intérêt général et du vivant. Dans 5 ans, dans 10 ans, même si les stratégies devaient être appliquées à la lettre, elles ne permettraient pas les changements transformateurs absolument nécessaires.

Pourtant les Français ont, eux, une pleine conscience de ces enjeux et plébiscitent les actions en ce sens : un sondage commandé par la SNPN et des associations amies le met clairement en évidence (cf. p. 15 et 16). Et c’est en cela que réside notre espoir : mettre en application sur le terrain nos valeurs, en mobilisant les citoyens et en agissant concrètement.

Parce que, deux ans après le début de la pandémie de la Covid-19, nous pensons toujours qu’un autre monde est possible, en refondant les relations entre les humains et les vivants autres qu’humains.

Rémi Luglia, président de la SNPN


Dans les actualités :

Un îlot rocheux désertique cerné d’eaux foisonnantes… Voici Malpelo, qu’une fondation colombienne tente de protéger des conséquences de la pêche illégale (p. 8). Dans l’océan Indien, des suivis scientifiques permettront de mieux connaître et mieux protéger les récifs coralliens au large de Mayotte et de l’archipel des Glorieuses (p. 17). Plus loin du terrain, le plaidoyer a aussi son importance : des associations veillent à la pertinence des politiques publiques face aux enjeux environnementaux. Elles ont ainsi enquêté sur les attentes des Français en la matière (p. 15) et se sont exprimées en défaveur du projet de 3e stratégie nationale pour la biodiversité (p. 11). Pour être efficaces, réglementations et mesures de gestion doivent s’appuyer sur des données précises. Une étude plaide ainsi pour la prise en compte des espèces d’arthropodes lors de l’évaluation de projets d’aménagement (p. 12). Malgré tout, autour des questions environnementales règne parfois la loi du silence. Il faut alors lutter pour informer ; les intervenants du webinaire « qui veut la peau des écolos » en témoignent (p. 21).

 

Vie de la SNPN


Dossier : Le ganga cata en Crau. Merveilleux oiseau des steppes

Par Alain Schall

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la steppe de la Crau, dernière grande steppe pierreuse d’Europe, offre un paysage unique qui abrite un oiseau non moins exceptionnel : le ganga cata (Pterocles alchata alchata). Parfaitement adaptée à son milieu, cette espèce est aussi particulièrement fragile face à la dégradation de son habitat.


Dossier : La grande nacre de Méditerranée. Un coquillage au bord de l’extinction

Par Serge Planes, Claire Peyran, Titouan Morage et Pascal Romans

Plus grand coquillage de la mer Méditerranée dont elle est endémique, la grande nacre Pinna nobilis avait quasiment disparu dans les années 1960-1970 du fait de pressions anthropiques. L’espèce, bénéficiant depuis plus de 30 ans de mesures de protection au niveau national et européen, se portait mieux jusqu’à récemment. Hélas, depuis 2016, une pandémie causée par un parasite ravage ses populations dans toute la mer Méditerranée.

Point de vue : Quelle vision éthique de la conservation de la nature ? Entretien avec Patrick Blandin

Par Patrick Blandin et Aline Deprince

Le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature a publié en 2021 un manifeste éthique intitulé L’avenir du vivant. Nos valeurs pour l’action. Invitant à s’extraire de l’opposition classique entre une vision anthropocentrée et une vision biocentrée de la protection de la nature, ce texte appelle au respect des êtres vivants humains comme non humains et propose de nouveaux repères pour l’action. Patrick Blandin, qui a animé le groupe de travail à l’origine de ce document, relate sa genèse et détaille ses propositions.


L’art et la nature selon Julien Nowac et Marceline Desbordes-Valmore


À lire 

Description

En couverture de ce nouveau numéro du Courrier de la Nature se dresse la grande nacre, un coquillage endémique de la mer Méditerranée. Le premier dossier de ce numéro relate l’évolution de ses populations, hélas fragilisées par un parasite. Le second dossier nous conduit non loin, en Provence : dans la steppe de la Crau se cache le ganga cata, bel oiseau parfaitement adapté à cet écosystème exceptionnel. Au sommaire également, Patrick Blandin, du Comité français de l’UICN, répond à nos questions sur l’éthique de la conservation de la nature. Actualités, analyses d’ouvrages et regards artistiques complètent ce numéro.

 

Découvrez un extrait du numéro :

Informations complémentaires

Poids 160 g