Courrier de la Nature n°331 novembre-décembre 2021

8.00 

Arriverons-nous un jour à endiguer la perte de la biodiversité ?

La stratégie nationale pour les aires protégées (Snap) adoptée par la France en janvier 2021 vise à couvrir 30% du territoire d’aires terrestres et marines protégées dont un tiers sous protection forte. Elle constitue un des piliers de l’arsenal réglementaire envisagé dans le cadre plus large de la stratégie nationale en faveur de la biodiversité dite SNB qui devrait être adoptée par l’État français en tout début d’année. Ces objectifs paraissent très ambitieux aux yeux des spécialistes (voir ce numéro du Courrier de la Nature). À cela plusieurs raisons.  Tout d’abord, la précédente stratégie des aires protégées 2011-2020 devait nous conduire de 1,2 % à 2 % d’aires protégées fortes à base de réserves naturelles, parcs nationaux, réserves biologiques domaniales… Or, à son échéance, nous sommes arrivés péniblement à 1,5% ! Par ailleurs, ce n’est pas tant la multiplication des aires protégées qui sauvera la biodiversité, mais de les créer dans des espaces clefs dans lesquels la biodiversité sera efficacement protégée. Enfin, ce n’est pas en réduisant année après année les moyens en personnel des directions régionales de l’environnement que se multiplieront par 5 ou 10 les instructions de dossiers de protection.

Mais l’objectif d’enrayer la perte de biodiversité est-il un objectif inéluctable et vain ? C’est la question que s’est posée Réserves Naturelles de France en interrogeant les bases de données du Muséum national d’histoire naturelle à travers l’enquête « Suivi temporel des oiseaux communs (Stoc), enquête participative réalisée chaque année sur quelques 2000 lieux par des ornithologues confirmés. Il ressort de cette enquête menée sur une centaine de réserves naturelles que même pour les oiseaux les plus communs comme rougegorge, chardonneret, bruants, gobemouche gris, mésanges, pics, alouette des champs, faucon crécerelle… la biodiversité en oiseaux se stabilise voire augmente dans ces petits espaces de protection forte contrairement à l’ensemble des parcelles qui les entoure. Mais alors que faudrait-il pour obtenir un tel résultat à l’échelle du pays ? Jetons un regard sur ce qui constitue l’essentiel du territoire français : 51 % concernent des espaces agricoles dont à peine 10 % à ce jour est en agriculture biologique. Si chaque exploitation agricole ne se fixe pas pour objectif de consacrer quelques efforts pour maintenir une mare, des haies fonctionnelles, des bordures de champs cultivés sans désherbants, si chaque forestier (30 % de ce même territoire) n’adopte pas une gestion durable des habitats boisés, si chacune de nos 35 000 communes n’adopte pas un plan de sauvetage de la biodiversité parallèlement à son plan local d’urbanisme (PLU) à commencer par connaitre la flore et la faune qui l’habite à travers un atlas de la biodiversité communale (ABC), ce sera peine perdue.

Si chacun d’entre nous ne se fixe pas l’objectif d’adopter les gestes simples sur le domaine dont il a la responsabilité, il est illusoire de vouloir enrayer la perte de cette nature plus ou moins ordinaire qui inexorablement diminue chaque année, ce qui avait fait dire cette phrase célèbre à un précédent président de la République française : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

Michel Métais


Dans les actualités :

L’année 2021 s’achève de manière morose sur bien des aspects. Face au bilan d’échec des engagements internationaux pris il y a plus de 10 ans à Aichi, la COP 15 (p. 12 et 13) travaille sur un projet de « cadre mondial de la biodiversité » certes plus ambitieux, mais ces nouveaux objectifs seront-ils tenus ? En France, la bataille juridique autour des chasses traditionnelles (p. 14 à 16) cristallise les tensions entre le gouvernement et les associations. Malgré tout, le monde associatif reste mobilisé : qu’il lutte contre des projets d’aménagement dommageables pour les milieux naturels, comme au lac de Montbel (p. 17 à 19), qu’il fasse avancer la réflexion en faveur d’une meilleure cohabitation entre humains et prédateurs grâce à des événements à Lons-le-Saunier (p. 20 et 21) ou encore qu’il propose, grâce au festival Pariscience (p. 22 et 23) des films scientifiques pour donner au public les clefs de compréhension des enjeux actuels. Le monde scientifique n’est d’ailleurs pas en reste : des travaux récents visent à limiter l’impact écologique de la lutte contre les invasions de criquets pèlerins (p. 8 à 11).


Vie de la SNPN


Dossier : Une décennie après Aichi. Le bilan contrasté des objectifs mondiaux sur les aires protégées

Par Victor Cazalis

En 2010, la quasi-totalité des pays du monde adoptait un panel de 20 objectifs à atteindre avant 2020 pour conserver la biodiversité : les objectifs d’Aichi. Parmi eux, l’objectif n° 11 se focalisait sur les aires protégées et fixait un cadre mondial ambitieux pour leur développement. Quelques mois après son échéance, et alors que les objectifs pour 2030 sont en cours de négociation, le moment est parfait pour dresser un bilan afin d’évaluer si cet objectif était pertinent et s’il a été atteint.


Dossier : La création d’aires protégées. Analyse des engagements français et européens

Par Bernard Chevassus-au-Louis, Rémi Luglia

En mai 2019, le Président de la République a fixé l’objectif d’atteindre, en 2022, 30 % d’aires terrestres et marines protégées, dont un tiers sous protection forte (soit 10 % de la surface du territoire national). Quel est le contenu réel et les enjeux de cet objectif ? Plus globalement, que sont les aires protégées ? Que nomme-t-on protection forte ? Quelle est la situation actuelle par rapport à cet objectif ?


Point de vue : Les centres de soins pour la faune en détresse en France. Au chevet d’une société qui souffre de son rapport au sauvage

Par Manon Tissidre, Jean-François Courreau

Depuis les années 1960, des structures recueillent et soignent les animaux sauvages en détresse, œuvrant ainsi à la fois à réparer les dommages causés à la faune par les activités humaines et au maintien du lien entre les citoyens et la nature. Organisés en réseau et portés par des équipes passionnées, les centres de soins alertent néanmoins sur les difficultés auxquelles ils font face.


L’art et la nature selon Bernard Boisson et Jules Vernes


À lire 

Description

L’un des outils principaux pour protéger la biodiversité est la création d’aires protégées. Mais pas n’importe comment ! S’il est louable de fixer des objectifs quantitatifs, il est plus difficile d’en évaluer les résultats sur le plan qualitatif. Ce numéro du Courrier de la Nature se penche sur le sujet à travers deux dossiers. Le premier revient sur les objectifs mondiaux adoptés en 2010 à Aichi : une décennie plus tard, le bilan est contrasté. Le second décrypte les engagements français et européens en la matière. Quittant l’échelle globale, la rubrique « point de vue » de ce numéro permet de mieux connaître les centres de soin de la faune sauvage, qui soignent la biodiversité individu par individu. Également au sommaire : les actualités de la protection de l’environnement en France et dans le monde, les actions de la SNPN et de ses réserves, les pages artistiques et les conseils de lecture.

 

Découvrez un extrait du numéro :

Informations complémentaires

Poids 160 g