Le diable est dans les détails
On a pu croire un temps – fugace – que la crise sanitaire serait, à défaut d’une prise de conscience accrue de la place primordiale de la nature pour les sociétés humaines, au moins l’occasion d’une pause dans les réformes qui lui sont néfastes. Las, celles-ci continuent et les termes de « simplification » ou de « modernisation » cohabitent désormais avec ceux de « relance » et d’« accélération » pour justifier les mêmes logiques : il s’agit à chaque fois d’alléger un peu plus les contraintes juridiques qui pèsent sur les activités humaines, et qui ont pourtant été obtenues de longue lutte. Pire même, à relancer la machine économique « quoi qu’il en coûte », et sans mettre en œuvre de changements fondamentaux, la nature – et pas seulement – pourrait bien en payer le prix cher. Les évolutions du droit de l’environnement, trop souvent considéré comme un obstacle et non comme un moyen de préserver ce qui nous lie, ce sans quoi nous (humains et autres qu’humains) ne pouvons vivre, illustrent cette tendance. En la matière, le diable est dans les détails : ceux des procédures et de leur mise en œuvre. Il nous a paru important de mettre en lumière dans Le Courrier de la Nature ces aspects parfois obscurs, pourtant décisifs pour la protection des milieux et de leurs habitants non humains. Ce numéro comporte donc un dossier en trois parties consacré à cette thématique. Son auteur est un fin connaisseur de cette mécanique juridique subtile, pour l’avoir pratiquée pendant des années, et aussi l’avoir vue péricliter.
Si la situation sanitaire ne repousse pas encore une fois les échéances, certains événements à venir peuvent faire de 2021 une année importante pour la biodiversité : de la quinzième conférence des parties COP 15 à la Convention sur la diversité biologique en Chine en mai, le congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature à Marseille en septembre, la Stratégie nationale des aires protégées parue en janvier ou encore la formulation de la Stratégie nationale pour la biodiversité attendue cette année. Autant de rendez-vous auxquels la Société nationale de protection de la nature participe déjà et accordera toute son attention.
Mais derrière les ambitions et les affichages, il faudrait déjà veiller à la bonne application des réglementations existantes pour encadrer la conduite des activités humaines. Le rôle des citoyens et des associations est ici crucial : faire entendre nos voix, être vigilants quant aux décisions, alerter et rappeler les pouvoirs publics à leurs obligations quand c’est nécessaire. Travail parfois fastidieux, mais auquel on ne peut se dérober.
Par Romain Gosse, docteur en droit de l’environnement, administrateur de la SNPN