Courrier de la Nature n°325 novembre-décembre 2020

8.00 

Bal masqué

Le premier épisode date de 2003 avec la découverte de la civette palmiste masquée (Paguma larvata), qui s’était retrouvée impliquée dans l’épidémiologie du SRASa puisque c’est par son intermédiaire que le premier coronavirus un peu célèbre était arrivé chez les humains. Tout semble avoir recommencé fin 2019. Cependant, les deux histoires prennent clairement des trajectoires différentes. Le premier virus a disparu à la fin du printemps 2003 et a eu le bon goût de ne pas réapparaître depuis. Le SRAS-CoV-2, responsable de la Covid-19, prend une autre direction. Cette maladie respiratoire virale se transmet le plus souvent directement de personne contaminée à personne saine, via des microgouttelettes de mucus respiratoire ; la probabilité de transmission augmentant en espace clos. En conséquence, toutes les attitudes conduisant à réduire cette probabilité sont à encourager : éviter les rassemblements, garder ses distances, porter un masque, entretenir de bonnes pratiques d’hygiène, penser aux autres. C’est la somme de toutes ces pratiques qui assure les meilleurs résultats, aucune mesure appliquée seule ne peut garantir d’obtenir le même bilan. Face à une maladie contagieuse, la réponse ne peut être que collective, c’est-à-dire citoyenne.

Mais le masque, sous prétexte que l’on peut se cacher derrière, ne doit pas tout permettre. Depuis cet été, le gouvernement démolit le droit de l’environnement sous prétexte de « relance », mais au profit d’intérêts trop particuliers. Au niveau départemental, par exemple, une instruction aux préfets du 6 août 2020 ouvre d’énormes brèches dans les textes actuels. Au niveau national, le recul sur les néonicotinoïdes (cf. n° 324, p. 3) représente un très mauvais signal, très mal argumenté. Ne parlons pas des arbitrages incroyables en matière de chasse – de vraies autorisations de destruction d’espèces pourtant reconnues menacées – ou encore la loi Accélération et simplification de l’action publique (ASAP), discutée début octobre à l’Assemblée nationale, qui réduirait la durée des concertations publiques sur les questions environnementales. La manière dont son article 25 (qui donne la possibilité d’esquiver l’enquête publique), rejeté en séance normale, a été rattrapé en catimini un vendredi soir donne une idée de ce que « simplification » signifie. Ces décisions vont clairement à l’encontre de la demande sociétale. Au-delà du fait qu’elles ne plaisent pas, elles renvoient vers les erreurs qui coûtent déjà si cher d’un point de vue économique, sociétal et sanitaire. Le discours gouvernemental actuel entendu semble loin de ce qui se dit vraiment derrière les masques.

François Moutou, vétérinaire et épidémiologiste, vice-président de la SNPN


Dans les actualités :

Partout sur la planète, des associations s’activent en faveur de la protection de la nature, en restaurant des milieux dégradés ou en tentant de la concilier avec les activités humaines. Ainsi à Mayotte, le Gépomay restaure les prairies humides ; à Madagascar, l’association Helpsimus réconcilie les riziculteurs avec les lémuriens. Les acteurs de terrain peuvent s’appuyer sur la recherche scientifique : le projet Tramare vise l’identification des sites optimaux pour la création de mares, tandis qu’une étude sur l’évolution des populations de serpents et d’amphibiens au Panama nous en apprend un peu plus sur les réactions en chaîne au sein d’un écosystème. Hélas, les observations sont parfois source de tristesse, comme le montre l’histoire de la baleine Fluker. Le récent colloque organisé par l’AHPNE rappelle que la notion même de protection de la nature ne cesse d’évoluer.

 

Vie de la SNPN


Dossier : Écrevisses exotiques envahissantes en France Le rythme des introductions en milieu naturel s’accélère par Marc Collas

Trois nouvelles espèces d’écrevisses allochtones ont été signalées en France en 2018 et 2019, portant désormais à cinq le nombre d’espèces d’écrevisses introduites au cours de ces 20 dernières années. Le rythme des introductions d’écrevisses exotiques s’accélère en France et d’une manière plus générale en Europe. Ces crustacés envahissants représentent-ils une menace pour la faune native ?


Dossier : Suivis ornithologiques sur la réserve de Saint-Quentin Ça bouge chez les sarcelles ! Par Joanne Anglade-Garnier, Julien Godon, Laurent Dufresne

Après 30 ans de suivis ornithologiques sur la réserve naturelle de Saint-Quentin-enYvelines, des chercheurs mettent en évidence une baisse des effectifs hivernants de la sarcelle d’hiver (Anas crecca) sur ce site et un décalage phénologique de leur hivernage. Les changements climatiques pourraient en être la cause.


Point de vue : Les réserves de nature SNPN Un dispositif rénové de protection de la nature par Romain Gosse, Aline Treillard, Marie-Joseph Veyrac


L’art et la nature Selon Laurent Girard et Alphonse Daudet


A lire 

Description

Venues d’outre-Atlantique, les écrevisses américaines ont colonisé une grande partie des milieux aquatiques d’eau douce en France. Le premier dossier de ce numéro fait le point sur ces espèces, leur propagation et leur impact sur la faune et la flore indigènes. On découvrira dans le second dossier la réserve naturelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, où des suivis ornithologiques menés depuis trois décennies renseignent les effets du changement climatique sur la fréquentation du site par les oiseaux d’eau. Enfin, la SNPN annonce dans ce numéro le renouveau de l’un de ses programmes phares : le réseau des réserves naturelles libres. Réactualisé pour suivre les dernières évolutions du droit de l’environnement en France, il est rebaptisé Réserves de nature SNPN. Les actualités de la protection de la nature, les pages artistiques et des analyses d’ouvrages complètent ce dernier numéro de l’année 2020.

Informations complémentaires

Poids 160 g