Lettre ouverte des APN au Président de la République sur la SNB3 : la SNPN défavorable à son adoption en l’état
Lettre ouverte des associations de protection de la nature au Président de la République sur la Stratégie nationale pour la biodiversité : la SNPN défavorable à son adoption en l’état
Dans une lettre ouverte transmise, le 22 février, au Président de la République, la Société nationale de protection de la nature (SNPN) se joint à 12 organisations (ANPCEN, ASPAS, FERUS, FNE, FNH, Humanité et Biodiversité, LPO, OPIE, SFDE, SFEPM, SHF, WWF) pour interpeller Emmanuel Macron afin de ne pas précipiter la publication de la 3e stratégie nationale pour la biodiversité (SNB3) censée engager la politique de la France jusqu’en 2030. La SNPN considère, en effet, que des possibilités d’amélioration réelles et crédibles du projet de SNB3 et des plans d’action existent, en se donnant du temps, en associant et concertant les territoires et les acteurs, en renforçant les ambitions et le portage politique
interministériel. Le report de la COP 15 semblerait ainsi permettre aisément et logiquement ce calendrier plus raisonnable, qui n’entrerait ainsi plus en conflit avec la période des élections présidentielles et législatives. Selon Rémi LUGLIA, Président de la SNPN : « Il convient de reprendre le processus afin de poursuivre la co-construction d’une SNB ambitieuse et susceptible de produire des résultats concrets, sur le terrain, mesurables dès avant 2030. Il nous paraît nécessaire de saisir à nouveau les différents acteurs mais aussi les territoires et les citoyens du projet, avec comme objectif d’abord de consolider et les cibles visées, puis de concrétiser les plans d’action en les phasant et en les rendant opérationnels. L’objectif est désormais de définir et d’insérer les mesures absentes ou insuffisantes, de hiérarchiser, de chiffrer et de mettre en cohérence, de dégager et de planifier des moyens, de préciser les indicateurs, d’engager les partenaires. » La SNPN considère, ainsi, que cette phase de finalisation et de rehausse des ambitions est nécessaire pour que cette SNB3 ne soit pas mort-née et que l’on ne constate pas collectivement en 2030 qu’elle n’a pas permis de répondre aux enjeux et que la biodiversité a continué à se dégrader. La Société nationale de protection de la nature est, par conséquent, défavorable à adopter la SNB3 en l’état et demande qu’un temps de travail collectif soit programmé afin de co-construire avec l’ensemble des acteurs et des territoires une stratégie ambitieuse et capable de produire des résultats concrets en 2030.
Contenu de la lettre envoyée au Président de la République :
« Monsieur le Président de la République,
Nous avons été récemment consultés, lors de contacts directs avec votre Secrétaire d’État en charge de la Biodiversité, et via les organismes de consultation que sont le CNTE et le CNB, sur un pré projet de stratégie nationale pour la biodiversité, et ce dans la perspective d’une publication au début du mois de mars. Pour avoir contribué au mieux au travail préparatoire depuis plus de 18 mois, nous savons l’investissement qu’ont déjà nécessité la consultation et l’ébauche d’un tel projet.
Malheureusement, nous constatons à ce jour que le travail préparatoire n’est pas abouti. Si certaines grandes lignes se dessinent effectivement, une vision politique de ce que sera le rapport de la société française à la biodiversité en 2030 peine à se dessiner, tandis que des mesures ambitieuses et concrètes visant à réduire les principales pressions font encore défaut. Ces lacunes concernent notamment l’usage des biocides, la lutte contre l’artificialisation des sols, la protection des cours d’eau et des zones humides, la mobilisation des acteurs socio-économiques et des citoyens, ou la cessation de la chasse des espèces menacées.
La finalisation de la troisième stratégie nationale pour la biodiversité nécessitera encore plusieurs mois d’effort collectif afin de formuler l’ensemble des objectifs et de rehausser considérablement les ambitions, affiner les mesures capables de produire des résultats, attribuer les bons indicateurs d’évaluation et convenir d’un phasage des objectifs et des moyens. Les indicateurs devront non seulement permettre de suivre l’état d’avancement du plan, mais surtout de mesurer les résultats concrets obtenus en matière d’amélioration de l’état de la biodiversité. Ces éléments devront être déclinés dans des plans d’actions triennaux, aptes à permettre des évaluations et ajustements au fil de la mise en oeuvre de la stratégie. Enfin, il faudra identifier, quantifier les moyens nécessaires à son déploiement et définir les ressources nouvelles qui y seront affectées.
Nous avons activement contribué à l’élaboration de plusieurs plans et programmes en faveur de la biodiversité et jusqu’au « Plan Hulot » sous votre mandat, et nous savons donc l’exigence d’un tel exercice. Pour autant, aucun plan ou stratégie pour la biodiversité n’a jusqu’ici produit les résultats attendus. Sur le terrain, la biodiversité continue de s’effondrer et il est crucial que la prochaine stratégie nationale se donne les moyens d’enrayer effectivement cette tendance en s’attachant à des actions bien ciblées, avec un fort potentiel d’impact positif et immédiat sur la biodiversité, en étant portée fortement au niveau interministériel sur l’ensemble de sa durée, en suscitant des engagements redevables ambitieux des acteurs socio-économiques, des collectivités locales et des citoyens et en clarifiant les rôles respectifs de l’Etat et de la société civile.
La date de la COP 15 sur la biodiversité étant retardée pour cause de crise sanitaire, la France a encore le temps de préparer le prochain sommet, et la possibilité de poursuivre les travaux de finalisation du projet de stratégie.
Nous souhaitons par le présent courrier vous alerter sur le fait que le projet de stratégie nationale pour la biodiversité n’est en l’état pas abouti et ne pourra pas l’être avant les échéances électorales de ce printemps. Par conséquent, nous vous demandons d’accorder un temps supplémentaire de travail collectif, afin de co-construire avec l’ensemble des acteurs et des territoires une stratégie ambitieuse et capable de produire des résultats concrets en 2030. En tout état de cause, le prochain Gouvernement et ceux qui lui succéderont pourront compter sur notre implication constante pour assurer la réussite de la 3e stratégie nationale biodiversité. »