L’avifaune
Le lac de Grand-Lieu : une zone humide déterminante pour la protection des oiseaux, à l’échelle française et européenne
La convergence de plusieurs facteurs tels que sa situation géographique sur l’axe de migration atlantique, sa proximité avec le littoral, sa dimension et la quiétude de ses habitats font du lac de Grand-Lieu un site ornithologique exceptionnel.
Un inventaire de 313 espèces
Le peuplement ornithologique du lac de Grand-Lieu, essentiellement composé d’oiseaux d’eau ou paludicoles (liés à la roselière) est remarquable pour la diversité de ses espèces et l’abondance de certaines d’entre elles.
La création même de la Réserve naturelle nationale a été basée en partie sur sa richesse ornithologique.
Les oiseaux constituent sans doute la classe animale pour laquelle le gestionnaire dispose du plus de connaissances. L’investissement dans plusieurs suivis de l’avifaune est et a toujours été fort. Ces différents suivis permettent aujourd’hui d’obtenir des informations chiffrées relativement précises pour la quasi-totalité des espèces d’oiseaux d’eau, en particulier ceux à forte valeur patrimoniale. Ils renseignent sur les tendances d’évolution des espèces quelles soient nicheuses, hivernantes ou en halte migratoire et plus globalement sur l’état de santé des milieux.
Au regard des suivis effectués depuis une quarantaine d’année, l’avifaune de Grand-Lieu est en situation assez fragile mais cache des situations très différentes d’une espèce à l’autre.
Sur le plan quantitatif, les oiseaux d’eau nicheurs, qui font l’essentiel de la richesse patrimoniale ornithologique du site, semblent stables ou en léger déclin. Bien entendu, les situations sont plus contrastées lorsqu’on analyse les situations famille par famille. Le Tadorne de Belon et l’Oie cendrée, toutes deux des acquisitions récentes pour l’avifaune nicheuse du lac, sont toujours dans une dynamique assez positive. Aussi, les grands échassiers augmentent sensiblement, les laridés augmentaient également jusqu’à il y a peu, certains groupes sont globalement stables (limicoles, grèbes), tandis que les anatidés nicheurs voient leur effectif baisser désormais.
Les oiseaux d’eau hivernants dans leur globalité ont légèrement augmenté au cours des années 2000 et reculé au cours des années 2010, surtout depuis 2017, année aux niveaux d’eau exceptionnellement bas en janvier.
Beaucoup d’espèces montrent des tendances à la baisse à Grand-Lieu. Elles suivent les tendance de régression de l’avifaune à plus large échelle, provoquées par des destructions d’habitats, y compris sur les zones d’hivernage ou de nidification parfois lointaines, l’usage de produits phytosanitaires (herbicides, fongicides…) directement toxiques pour la faune et générant des pertes de ressources alimentaires, et le changement climatique.
Consultez les rapports ornithologiques
2023
Zoom sur les grands échassiers nicheurs (hérons, spatules, ibis…)
Depuis 1995, la SNPN réalise un suivi des populations des grands échassiers nicheurs sur le lac de Grand-Lieu. Le protocole actuel reste inchangé depuis 2002 et s’étend d’avril à juin. Il s’agit dans un premier temps de repérer les colonies de hérons, sans les déranger, depuis une nacelle flottante mobile puis de prospecter à pied dans la saulaie afin d’y compter les nids contenant des œufs ou des poussins.
A l’opposé des tendances globales concernant d’autres oiseaux, les populations de grands échassiers se portent très bien à Grand-Lieu. Elles bénéficient à la fois de zones de nidification d’une grande tranquillité et de vastes zones d’alimentation dans les prés-marais du lac largement envahis par l’Écrevisse de Louisiane, qui constitue une ressource alimentaire abondante. Plus largement, l’estuaire de la Loire, le Marais breton, la vallée de l’Acheneau…) constituent des zones d’alimentation plus éloignées.
Le lac de Grand-Lieu accueille les 11 espèces de hérons nicheurs en France.
Plus de 3 000 couples de grands échassiers nichent dans les roselières boisées du lac. Cette colonie florissante se subdivise en de multiples petits groupes de nids répartis sur près de 1 000 hectares de saulaies inondées.
En 1981, les Spatules blanches – Platalea leucorodia, s’installent de nouveau à Grand-Lieu pour nicher. Depuis, leurs effectifs ne cessent d’augmenter pour atteindre en 2021, 642 couples.
Zoom sur les anatidés (canards, foulques, grèbes, oies…)
Le lac de Grand-Lieu est un site majeur d’accueil des anatidés tout au long de l’année.
Les hivernants
Le lac de Grand-Lieu est classé parmi les 5 premiers sites français pour d’hivernage des canards et des foulques. A la mi-janvier lors du comptage Wetlands international, il accueille en remise 20 à 25 000 individus toutes espèces confondues. Canard souchet – Anas clypeata, Sarcelle d’hiver – Anas crecca et Fuligule milouin – Aythya ferina, font partie des espèces les plus abondantes.
Les canards en migration pré-nuptiale
Des pics importants d’abondance à cette période concernent le Canard pilet – Anas acuta, le Canard siffleur – Anas penelope et le Canard souchet – Anas clypeata.
Les canards nicheurs
En période de reproduction, le lac accueille la plupart des anatidés nicheurs de l’ouest de la France, avec notamment des effectifs remarquables de Fuligule milouin — Aythya ferina, Canard souchet – Anas clypeata, Sarcelle d’été – Anas querquedula ou Canard chipeau – Anas strepera.
Zoom sur les laro-limicoles (mouettes, goélands, guifettes, vanneaux…)
Ils font l’objet d’un suivi régulier :
- tous les hivers, lors du comptage Wetlands. Les limicoles sont recensés de jour sur les bords de la zone d’inondation tandis que les laridés sont recensés à la tombée du jour, lorsqu’ils se regroupent en dortoirs.
- au printemps, entre mi-avril et mi-juillet, pour le comptage des espèces nicheuses.
Les hivernants
Un imposant dortoir plurispécifique de laridés, d’environ 20 000 individus, se forme chaque année à Grand-Lieu, essentiellement entre octobre et mars.
Ils se composent essentiellement de Mouette rieuse – Chroicocephalus ridibundus (14 600 individus en 2022), Goéland cendré – Larus canus (730 individus en 2022), Goéland brun – Larus fuscus (1 150 individus en 2022) et Goéland argenté – Larus argentatus (2 900 individus en 2022). Ce dortoir montre une tendance récente à la baisse.
Les nicheurs
Tandis que les effectifs de laridés nicheurs augmentent sensiblement, ceux des limicoles sont globalement stables.
On assiste cependant à un changement progressif d’habitats de prédilection pour les limicoles nicheurs. Si avant 2006, la grande majorité (70-75%) des nicheurs se trouvait sur les prés-marais du lac, ils sont désormais presque exclusivement cantonnés dans les roselières boisées.
L’Échasse blanche – Himantopus himantopus et le Vanneau huppé – Vanellus vanellus sont les 2 espèces de limicoles nicheurs les plus abondants sur le lac et ses environs, même si l’Échasse blanche ne s’y reproduit que depuis 1997.
Le Chevalier gambette – Tringa totanus et la Bécassine des marais – Gallinago gallinago se trouvent aujourd’hui au bord del’extinction à Grand-Lieu.
La Guifette moustac – Chlidonias hybrida fait partie des oiseaux emblématiques de Grand-Lieu, même si son installation y est assez récente. 27 % de la population française niche à Grand-Lieu sur les herbiers de nénuphars (moyenne de 2017 à 2021).
Zoom sur les passereaux paludicoles (phragmites, rousseroles…)
Les populations en migration post-nuptiale
Ces espèces font une halte migratoire à Grand-Lieu pour s’alimenter et se poser dans la roselière ou la saulaie chaque année à la fin de l’été (août – septembre) avant de continuer leur voyage vers le sud. Des opérations des baguages sont réalisées depuis 2003 afin d’établir l’abondance de ces espèces et leurs tendances démographiques.
Toutes montrent des tendances nettement baissières. Les causes de ces régressions sont sans doute multiples et varient probablement en partie selon les espèces. Le premier facteur négatif est sans doute la destruction massive des habitats palustres sur les sites de nidification et d’hivernage (Afrique de l’Ouest et subsaharienne) du Phragmite aquatique– Acrocephalus paludicola et du Phragmite des joncs – Acrocephalus schoenobaenus).
Les populations nicheuses
Ces espèces sont recensées de fin-mai jusqu’au 10 juin au cous d’un protocole d’écoute qui couvre le lac et ses alentours.
La roselière à Phragmites (le roseau commun) assure la nidification des passereaux paludicoles. Les espèces les plus abondantes sont le Phragmite des joncs – Acrocephalus schoenobaenus, la Rousserolle effarvatte – Acrocephalus scirpaceus, la Locustelle luscinioïde – Locustella luscinioides et le Bruant des roseaux – Emberiza schoeniclus. Ces populations nicheuses sont toutefois en baisse assez forte à Grand-Lieu sur les deux dernières décennies, en lien avec la régression de la roselière.